Pouvoir s’émerveiller
Ça y est, les Géantes sont arrivées à Genève ! Et, le peuple genevois (ainsi que celui arrivé par monts et par vaux !) est venu par dizaines de milliers à leur rencontre. Quelle chance et quel honneur pour la Ville de Genève d’avoir, après le Havre, Nantes, Liverpool, Santiago du Chili, Montréal… pu recevoir ces hôtes si prestigieux. D’après la Presse, des délégations de Tokyo et des Emirats arabes ont également fait le voyage jusqu’à Genève ce week-end, dans l’espoir d’amadouer ces Géantes pour qu’elles songent à venir dans leurs pays. Mais, l’espace planétaire garde ses mystères et rien ne permet de prédire quand et où ces Géantes feront leur prochaine apparition sur notre terre.
A Genève, on n’a pas eu besoin de délégation pour plaider notre cause. Ce fut l’œuvre d’un seul petit homme (au sens propre !) : Jean Liermier, vous savez, celui qui a magnifiquement joué, il y a quelques années, le rôle de Tintin dans « Les bijoux de la Castafiore », et qui, aujourd’hui, est le pétillant directeur du Théâtre de Carouge. Il fallait un homme de cette trempe pour convaincre la compagnie Royal de Luxe de venir à Genève, obtenir les autorisations des autorités communales et cantonales et créer une association afin de financer cet événement. Merci, monsieur Liermier !
C’est bien une forme de théâtre qui a eu lieu dans les rues du Genève et au bord du lac, du vendredi 28 septembre au dimanche 1er octobre 2017. Une scène théâtrale d’ailleurs extraordinaire où on ne sait plus très bien qui est acteur et qui est spectateur ! En haut du Parc de La Grange, j’ai été témoin d’échanges qui nous entrainent dans le répertoire d’un Ionesco ou d’un Beckett… Oui, oui, je vous assure ! Des personnes, entrant dans le parc, demandent à d’autres qui en sortent : « Vous avez vu la grand-mère ? » Non répond une dame, car la grand-mère ne s’est pas encore réveillée ! » Superbe réplique qui révèle combien la grand-mère, dont l’origine est perdue au fond de la nuit des temps mais à chercher dans une galaxie lointaine, est devenue un vrai personnage vivant qui incarne la grand-mère de tous. Avec son doux regard bienveillant et rassurant, elle est la grand-mère universelle et atemporelle, celle qui rassure, console, nous entraîne dans le royaume du rêve avec ses récits merveilleux, mais surtout nous donne confiance.
La petite fille, dont on ne sait pas grand chose, aux yeux rieurs, espiègles et malicieux, accentue le caractère primesautier de cette déambulation hors des tracés quotidiens. A la joie des petits et grands, on verra même la Petite Géante, prise d’un besoin irrépressible, relever ses jupes pour faire pipi en pleine rue (et sans être amendée, puisque les organisateurs n’avaient pas fabriqué des toilettes adaptées à sa taille), enfourcher encore une moto ou s’agenouiller pour prendre des enfants sur ses bras transformés en balançoires.
Ces trois jours n’ont certes pas été une fête pour tous. Pris dans les embouteillages gigantesques, créés par la venue des Géantes, certains ont été bloqués dans leur voiture pendant des heures. Ils ont pesté. Bon, râler est dans l’ADN du Genevois. Mais, il est vrai que beaucoup n’ont pas jugé judicieux de suivre les recommandations transmises depuis des mois par les autorités et les TPG. Certes, certains commerçants, artisans et habitants n’avaient guère le choix de laisser leurs véhicules au garage. D’autres en revanche ont montré une difficulté à changer leurs habitudes.
N’y a-t-il pas parfois de grands événements (avec leurs lots de désagréments) qui sont des moments capitaux ? Ces Géantes, qui sont sans doute plus imposantes que les plus grands de ce monde, nous apportent un message vital pour l’avenir de notre planète, sans moraliser la population ni la rabrouer.
Merci aux Géantes et aux Lilliputiens qui les accompagnent et les servent avec souplesse et un engagement physique et aérien impressionnant d’avoir rappelé à Genève qu’il ne faut jamais cesser de rêver et de s’émerveiller…