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politique scolaire

  • Le T-shirt des idées toutes faites

    Depuis une quinzaine de jours, les médias se font l’écho de la polémique (ou l’alimentent ?) de ce que certains ont nommé les « T-shirts de la honte ». Pour rappel : dans un Cycle d’orientation genevois, les élèves qui arrivent à l’école avec des vêtements jugés indécents doivent enfiler un T-shirt XXL sur lequel il y a le nom du Cycle, un logo emprunté au « like » de Facebook et l’inscription: « J’ai une tenue adéquate ».

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    Cette sanction, décidée en 2014, émane des élèves, des parents et des enseignants.
    Le concept de décence (ou de tenue adéquate) est, il est vrai, difficile à saisir, surtout pour ceux qui considèrent que c’est un concept éculé, qui n’a plus lieu d’exister au XXIe siècle, et qu’apprendre à nos jeunes un peu de retenue est synonyme d’une ringardise qui frise l’obscurantisme.
    Toutefois, est-il acceptable que chacun à l’école s’habille comme il l’entend ? A suivre la sociologue (professeur à l’Université de Lausanne en études genre avec laquelle je débattais à Forum le 26 septembre), ces T-shirts seraient une sanction d’une violence inouïe, infligée le plus souvent aux jeunes filles pour la taille d’un débardeur ou la largeur d’une bretelle ! De la part d’une universitaire, on pourrait s’attendre à des propos plus prudents. Ces jeunes filles, ont-elles subi une sévérité excessive de la part de la direction de l’école ? N’ont-elles qu’arboré des tops avec de fines bretelles ou délibérément transgressé les règles scolaires avec provocation, comme aiment tant le faire les adolescents ?
    En tout cas, pour la sociologue, aucune hésitation ! La sanction du T-shirt (qui évite le renvoi à la maison pour se changer !) est sexiste et aurait pour but d’exercer un contrôle sur les filles, de leur inculquer l’obsession de la respectabilité afin qu’elles aient honte de leur corps. Et, ce n’est pas tout ! Ce contrôle permettrait de susciter la peur chez les filles, de les mettre en garde contre tout message sexualisant qui pourrait déconcentrer (voire exciter) les garçons. Bref, l’école serait coupable de véhiculer un discours qui est celui de la culture du viol où les filles et femmes seraient toujours responsables de ce qui leur arrive, même lorsqu’elles se font agressées.
    Seulement voilà, cette grille de lecture sociologique, n’est-elle pas déplacée dans ce cadre scolaire ? Ces normes vestimentaires, ne s’appliquent-elles pas aussi aux garçons ? En effet, il n’est nullement autorisé pour les garçons de venir à l’école torse nu, vêtu d’un marcel, d’un training, en pyjama, avec des logos qui véhiculent des messages haineux ou encore avec une casquette vissée sur la tête… Prétendre donc que ces règles sont sexistes est un manque de discernement. Ce n’est pas parce que des normes sont davantage transgressées, ici, par des jeunes filles, qu’elles seraient sexistes. En suivant ce raisonnement, devrait-on considérer que notre code pénal est sexiste, puisqu’il y a davantage de délits commis par les hommes ? Faudrait-il instaurer des quotas dans les prisons entre hommes et femmes ?
    Suite au débat de Forum, j’ai reçu un témoignage qui montre bien que ces règles vestimentaires n’ont pas pour but d’humilier les filles :
    « Dans le Cycle d’orientation que j’ai dirigé pendant 19 ans, nous avions aussi des T-shirts du même genre que nous avons utilisés en premier lieu pour neutraliser des garçons qui portaient des logos à caractère militaire (dont celui des combattants de l’UCK), ce qui générait des conflits interethniques. Certains maillots de foot posaient également parfois problème, notamment pendant les coupes du monde, lorsqu’ils exacerbaient les sentiments nationalistes ».
    D’ailleurs, comment suivre la logique argumentative de cette sociologue qui admet qu’il y a des habits indécents à l’école, puisqu’elle me répond :
    « Si on interdit les pyjamas, c’est qu’effectivement, on veut envoyer le message que quand on va à l’école, on n’y va pas en pyjama. Donc, il y a des normes logiques ».
    C’est bien la première fois que j’apprends que des normes peuvent être “logiques”, alors que, par définition, elles sont définies par la société (dans le meilleur des cas) ou imposées par des groupes dominants. Mais, poursuivons avec notre pyjama et permettons-nous une interprétation aussi hasardeuse que celle de cette sociologue avec ces T-shirts. Ne pourrait-on pas affirmer que l’école interdit le pyjama, parce qu’elle ne veut pas faire l’éloge de la paresse, mais bien plutôt orienter les élèves sur le chemin de la production en vantant les mérites de l’effort au travail… Bref, je délire, mais je parodie un certain féminisme en folie, qui avec la « culture de l’annulation » (cancel culture) ou « culture de la dénonciation » nous déverse ses discours vindicatifs, extrémistes et agressifs.
    Pour conclure, dans une démarche éducative où les jeunes sont en formation et en recherche de repères, il est essentiel que ceux-ci apprennent qu’on ne s’habille ni ne s’exprime n’importe comment. On ne parle, en effet pas de la même manière à ses potes, son professeur, sa mère ou son patron. De même, on ne s’habille pas de la même manière pour aller à la plage, au travail, en voyage ou chez soi. C’est la base de l’éducation et de la convivialité. En revanche, ces problèmes d’indiscipline scolaires, doivent-ils vraiment faire la une de l’actualité ? Ne peuvent-ils pas être traités dans l’institution scolaire en concertation avec les partenaires concernés ? En tout cas, ce battage médiatique en dit long sur notre société nombriliste !
    Enfin, cessons de faire croire aux jeunes filles qu’elles sont des sempiternelles victimes. Comment, avec de tels discours, peuvent-elles avoir l’envie et des ambitions pour se projeter dans l’avenir ? Car, n’oublions pas : il n’y a pas plus sexiste que cette victimisation constante des filles !
     
     

     

     

     

     

  • Que les collégiens revoient leur copie !

    Des collégiens de 4ème année ont envoyé une demande au DIP pour l’annulation des examens de maturité (Cf. « Des collégiens de 4ème sont inquiets », in TdG, le 28.04.20). Anne Emery-Torracinta, en charge du DIP, leur avait répondu que la décision revenait au Conseil fédéral. Or, depuis sa séance du 29 avril, ce dernier a annoncé qu’il laissait aux cantons la compétence de maintenir ou non ces examens. Anne Emery-Torracinta a aussitôt fait savoir que les examens finaux écrits seraient supprimés pour la maturité et les diplômes de l’Ecole de culture générale (ECG).

    A cet égard, je soutiens tout à fait la demande des collégiens ainsi que la décision prise par Mme Emery-Torracinta. Il faut savoir raison garder ! Annuler les examens finaux n’est pas une tragédie et ne prétéritera pas les collégiens. Leur titre leur sera délivré sur la base des résultats obtenus durant le premier semestre avec une session de rattrapage - absolument indispensable - pour les élèves en échec. Un certificat de fin d’études, n’évalue-t-il pas les acquisitions obtenues tout le long d’un cursus ?

    Ce n’est pas la première fois, dans l’histoire, que des élèves sont privés d’école ! Après le débarquement, les bombardements sur les villes françaises et belges ont fermé les écoles pour une durée de plus de six mois, sans que le système scolaire ne s’écroule ou que les jeunes aient à souffrir de lacunes académiques.

    Non seulement, il serait difficile d’organiser ces examens en respectant les mesures sanitaires, mais plus encore, ce semi-confinement a créé de telles inégalités qu’il serait injuste de maintenir ces examens sans pouvoir accorder une égalité de traitement entre élèves.

    Or, pour certains, si le confinement aura été une parenthèse bénéfique pour leurs apprentissages (soutien des parents, contextes privilégiés : villas avec jardins ou grands appartements avec des espaces pour lire, étudier, s’isoler), pour d’autres, cette crise sanitaire aura engendré ou exacerbé des situations difficiles, précaires, conflictuelles voire mortifères. Submergés d’angoisses et n’ayant plus l’école comme soupape d’équilibre, certains jeunes n’ont guère pu étudier. Les élèves n’étaient ainsi pas tous logés à la même enseigne ! Quant à l’enseignement en ligne, certaines écoles privées le pratiquaient déjà, alors qu’il n’était pas toujours au point à l’école publique !

    Nul doute donc que l’école à distance accentue les inégalités, et que Mme Emery-Torracinta a pris une bonne décision en supprimant ces examens. En revanche, elle a eu tort d’accepter la missive signée par une quinzaine de collégiens sans exiger qu’ils revoient leur copie ! N’est-il, en effet, pas inconcevable que des collégiens osent écrire à la présidente du département de l’instruction publique, pour lui adresser une demande, en libellant leur prose ainsi :

    « Nous nous trouvons dans un état d’incertitude totale […] Des milliers de messages fusent sur les différents réseaux, envoyés par des étudiant.e.x.s inquiet.e.x.s de leur sort » (ibid.)

    Comment ces collégiens ont-ils l’outrecuidance de s’adresser à la tête du DIP en violant les règles de la langue française ? S’interroger sur le récepteur (à qui est destiné cette lettre ?) est pourtant une règle rhétorique élémentaire. Ces jeunes, croient-ils écrire un tract pour le mouvement LGBTQI ? En 2010, je m’indignais déjà que le DIP, pour user d’un langage épicène, écrive des circulaires rédigées ainsi :

    « Si un-e-des enseignant-e-s expérimenté-e-s et un-e-des chargé-e-s d'enseignement ou un-e-des suppléant-e-s désirent former un-e équipe, il-elle-s doit-vent informer un-une-des directeur-s-trice-s auquel-à-laquelle-auxquel-les-s il-elle- est-sont rattaché-e-s. Toutefois, seul-e-s le-la-les enseignant-e-s concerné-e-s et qui en fera-ont la demande auprès de son-sa-leur directeur-trice-s attitré-e-s pourra-ront bénéficier de cette disposition. Le-la-les enseignant-e-s qui utilise-ent ce mode de fonctionnement est-sont tenu-e-s d'en informer le-la-les responsable-s légal-e-aux de ses-leurs élèves et d'aviser son-sa remplaçant-e » (Cf. suite du billet)

    Depuis lors, le DIP s’était rendu compte de l’absurdité et du ridicule de cette démarche et était revenu à une écriture plus respectueuse de notre langue française. Pourquoi donc Anne Emery-Torracinta, n’a-t-elle pas rappelé à ces collégiens qu’ils n’ont pas à prendre le langage en otage, d’autant plus lorsqu’ils s’adressent à une conseillère d’Etat ?

    Pour ceux qui ne saisiraient pas mon indignation, je rappelle que la gauche (oui, c’est une spécificité socialiste !) après avoir trituré les mots pour imposer un langage épicène (en Ville de Genève, les fonctionnaires reçoivent même des cours de formation pour l’appliquer scrupuleusement !) se fait dépasser par des groupuscules, encore plus radicaux (issus des mouvements LGBTQI) qui partent en croisade anti-genre. Pour ces guerriers, marquer le féminin et le masculin reste de la ségrégation. Contestant le système binaire de notre société dans lequel ils se sentent discriminés, ces militants ne veulent être ni homme ni femme et se revendiquent d’un genre neutre, qu’ils veulent marquer, dans l’écrit, en ajoutant un « X » comme l’appliquent ces « étudiant.e.x.s inquiet.e.x.s de leur sort » !

    Parce que déconstruire le féminin et le masculin servirait la démocratie (en détruisant les normes !) dans laquelle les identités multiples (homosexuels-elles, lesbiennes, féministes, bisexuels-elles, trangenres, intersexes et autres minorités sexuelles : autosexuel-elle-s, asexuel-elle-s…) doivent pouvoir faire valoir leur droit à leur reconnaissance, ces activistes torturent le langage (pour leur bien !).

    Et, tant pis si les tyrannies commencent toujours par le redressement du langage, et qu’à force de le mutiler, on finira tous par se la fermer !

     

     

  • Le PISA Nouveau est arrivé !

    Début décembre est arrivé le PISA Nouveau ! Assurément, la cuvée 2019 ne réjouit guère les Suisses, puisque les résultats de l’enquête donne un cru plutôt mauvais.

    Si les jeunes Suisses continuent à obtenir de bons résultats en mathématiques et dans le domaine des sciences, en revanche le niveau de la lecture (déjà peu satisfaisant en 2015) a encore baissé. Au point que la Suisse, avec cette dernière récolte, obtient un score au-dessous de la moyenne de l’OCDE (de 3 points) ! Comment interpréter ces résultats ?

    Laissons aux chercheurs en éducation, qui disposeront de données détaillées avec les scores cantonaux, tirer quelques réflexions !

    Cela étant, il est important d’adopter un regard nuancé sur ces résultats. Sans nier leur importance, puisque ces données comparatives entre pays peuvent nous permettre de questionner nos politiques scolaires, on peut tout de même s’interroger sur la pertinence du test PISA.

    En effet, ne doit-on pas toujours garder à l’esprit que les compétences humaines ne peuvent être évaluées de manière objective ou purement scientifiquement ? Assurément, il faut admettre que derrière toute observation (fût-elle menée dans des laboratoires de psychologie expérimentale ou avec des outils informatiques les plus performants), il existe toujours une relation entre le chercheur et l’observé, qui passe nécessairement par le langage et donc par des représentations mentales.

    Les philosophes au XIXème siècle, influencés par le scientisme ambiant, et qui rêvaient d’étudier scientifiquement l’enfant, avaient bien cerné cette difficulté. Les médecins et psychologues au  XXème siècle, occultant que toute mesure d'un phénomène dépend toujours de la définition donnée, préalablement, audit phénomène, prétendront - grâce à des procédés de mesure, des méthodes de tests, des expérimentations, des enquêtes, des calculs de coefficients, de corrélations, de probabilités, de statistiques, de données quantitatives, etc. - pouvoir étudier l'humain scientifiquement. Ces derniers renieront les philosophes, les traitant de littérateurs « coupables d’être des bavards » qui n'auraient produit aucune connaissance ni sur le développement de l'enfant ni sur les méthodes didactiques. Et avec assurance, ils se proclameront les créateurs d’une nouvelle science : la psychologie “labellisée” infaillible. Mais, trop de certitude tue la science.

    C’est pourquoi, les tests et évaluations sont actuellement reçus avec plus de prudence. Personne aujourd’hui ne conteste, par exemple, que le test d’intelligence (QI), qui date d’un siècle, apporte des données intéressantes certes, mais lacunaires (les aptitudes émotionnelles, créatives… sont occultées), car ce test est trop focalisé sur des facultés intellectuelles nécessaires à la scolarité et en lien avec le langage (compréhension des mots et des consignes).

    Les mêmes réserves peuvent être émises avec l’évaluation PISA qui use d’une méthodologie qui soulève bien des questions, notamment sur la manière d’interroger les jeunes (questions à choix multiples), qui privilégie une approche anglo-saxonne.

    Enfin, pour tester les performances en lecture, ne faut-il pas interroger la qualité du texte ? Le récit titille-t-il la curiosité des jeunes ? Les questions posées sont-elles pertinentes ? Ont-elles un sens pour ces jeunes lecteurs ?

    Une fois ces réserves soulevées, on peut néanmoins s’inquiéter de la baisse du niveau de lecture.

    Cette baisse de lecture est-elle l’indice d’une évolution de notre société envahie par l’informatique ?

    Les jeunes, scotchés sur leurs écrans, ont-ils perdu l’expérience de la lecture profonde ?

    Alors que je tentais de dire mon plaisir de lire à une jeune fille de 15 ans, qui déteste lire (lorsqu’elle doit lire un livre pour l’école, elle surfe sur internet pour trouver les courts résumés), cette jeune fille me répondit : « la lecture, c’est nulle, c’est pour les vieux ! » Cette répugnance envers la lecture, révèle-t-elle un nouveau rapport au monde, où le livre (qui nous plonge dans un temps “hors du temps”, un temps long de concentration) ne nous enchante plus ?

    Le rejet de la lecture touche-t-il toutes les couches de notre société ? On se souvient du mépris pour le livre du président Sarkozy qui ne comprenait pas qu’on puisse encore lire aujourd’hui « la Princesse de Clèves » !

    Cette baisse du niveau de lecture a-t-elle particulièrement affecté Genève ? Si oui, ne faudrait-il pas questionner (enfin !) les dernières réformes scolaires (introduction de directeurs et directrices d’établissement scolaire et de l’école le mercredi matin) qui ont gravement péjoré l’école genevoise (et amené une augmentation exponentielle de fonctionnaires au DIP, qui au lieu de soulager les enseignants, a transformé le DIP en usine à gaz). Quant aux élèves primaires genevois, rappelons qu'avec l'introduction du mercredi matin scolaire, ils ont un horaire plus chargé que celui des collégiens, et qu’ils sont peut-être saturés d’école. A cet égard, les analyses menées par le test PISA ne montrent aucune corrélation entre le nombre d’heures passées à l’école et les résultats au test. PISA témoignerait plutôt que les dotations horaires les plus chargées, donneraient de moins bons résultats.

    Pour conclure, les résultats des tests PISA soulèvent plus de questions qu’ils n’apportent de réponses. Néanmoins, ils donnent des pistes de réflexion à poursuivre…