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Professeur de droit pas très catholique

Nouveau rebondissement en Ville de Genève ! Un recours contre l’arrêt de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice est déposé formellement aujourd’hui au Tribunal fédéral par le professeur honoraire à l’Université de Genève, Andreas Auer. Pour rappel, la Cour a annulé le vote populaire du 24 septembre pour cause de graves irrégularités. En effet, « le fascicule d’explications pour le vote n’était pas conforme à la loi et à la garantie constitutionnelle des droits politiques ».

A « Forum » (émission RTS du 16.10.17), celui qui fut professeur de droit constitutionnel à la Faculté de droit de l’Université de Genève (1980-2008) et Doyen de cette Faculté (2000-2003) a soutenu que :

« L’annulation d’un vote populaire par un juge est un acte extrêment grave parce que c’est priver des milliers de votes de tout effet juridique et cela ne devrait intervenir vraiment que dans des conditions où on ne peut pas faire autrement et j’estime que, dans ce cas particulier, ce n’était pas le cas ».

Le professeur ne conteste pas l’irrégularité de la brochure de vote. Il se garde pourtant d’utiliser les termes de : “violation de la loi”, “irrégularité”, “illégalité”, “délit” ou même “infraction”. Il concède que « ce n’était pas la façon habituelle de présenter les brochures si on suit les autres votations […mais], il n’y avait pas d’erreurs manifestes ou de tromperies évidentes ».

Dans une argutie pour le moins étonnante venant d’un professeur de droit, Andreas Auer minimise cette violation de la loi et les effets qu’a pu produire cette brochure qu’il qualifie du bout des lèvres de « pas très catholique » (un adjectif qui tempère la faute en laissant entendre que les auteurs de la brochure ont juste eu quelques égarements ou croyances enrobées de bons sentiments). Andreas Auer conteste en revanche l’arrêt de la Chambre constitutionnelle sur un ton beaucoup plus virulent. Pour lui, la sanction qu’il juge disproportionnée du Tribunal « bafoue le fondement même de la démocratie directe ».

Drôle de rhétorique ! Selon lui, ce n’est pas le maire (avec une partie du Conseil administratif) qui a attaqué la liberté de vote (Cf. mon précédent billet) et mis en danger notre système démocratique en ne respectant pas la procédure en matière électorale ou en voulant induire l’électeur en erreur, mais le Tribunal qui, en annulant un scrutin aurait ôté le droit de vote à la population genevoise ! Toujours dans le but de relativiser le non respect de la loi par les autorités de la Ville de Genève, celles qui devaient, au contraire, être les garants des droits politiques des citoyens, en permettant à ces derniers de se déterminer en élaborant leur opinion d’une manière la plus libre et complète possible, le Professeur Auer minimise les conséquences de la non-conformité du matériel de vote. Pour le juriste, la brochure explicative n’est qu’un élément du vote, un moyen d’information, contrebalancé par d’autres sources d’information (les médias, la connaissance des autorités, les préférences politiques des électeurs…). Par conséquent, une brochure explicative peut avoir quelques influences sur les opinions des électeurs, mais ne fausserait pas nécessairement les résultats d’un vote. Poursuivant sa rhétorique alambiquée, voire désespérée, M. Auer argue que le scrutin aurait dû être maintenu, et que le Tribunal, seulement après le dépouillement du scrutin, aurait pu annuler le vote si l’écart des résultats s’était avéré serré.

Une telle gesticulation intellectuelle apparaît inquiétante. Comment un éminent professeur de droit parvient-il à relativiser à ce point une infraction de la loi, a fortiori avérée et commise par les autorités ? Cette position n’est pas tolérable ! Toute infraction ne doit-elle pas être punie par la loi ? Les juges n’ont pas à juger des délits en minimisant la faute de leurs auteurs ou en la jugeant à l’aune de l’effet qu’elle a produit. Une telle dérive s’avère nuisible pour la justice. Elle permettrait d’acquitter l’abuseur d’une personne déficiente au prétexte que cette dernière ne s’est rendue compte de rien ou encore de sanctionner légèrement celui qui vole quelques centaines de milliers de francs à un millionnaire en objectant que les dommages pour ce dernier ne seraient pas très conséquents.

Cette manière de relativiser la justice tue la justice. M. Auer a peut-être de bonnes raisons de déposer ce recours au TF (plaisir intellectuel, soutien de camarades, excitation dialectique… ?), mais il ne sert pas la justice qui se doit inexorablement d’être la garante de l’Etat de droit et, en l’occurrence, des droits politiques issus de notre Constitution.

Décidément, l’Université de Genève recèle des professeurs “pas très catholiques” !

 

 

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