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Air du temps - Page 3

  • Voix des ♀︎ et moi et moi et moi…

    Nous célébrons aujourd’hui les 50 ans du droit de vote pour les femmes qui m’amènent à une introspection. J’avoue que je ne me souviens pas vraiment de cette date du 7 février 1971, car je n’avais pas encore l’âge de voter. Je n’ai donc jamais vécu cette frustration de voir les portes du local de vote fermées, parce que je n’aurais pas eu le bon sexe.

    Pour mettre cartes sur table, je précise que j’ai participé à la grève des femmes du 14 juin 2019, jugeant que la lutte pour les droits des femmes doit être poursuivie. Il est en effet inadmissible, alors que l’égalité des sexes est inscrite dans la Constitution fédérale depuis 1981, qu’en 2019, les femmes ont gagné 19,6% de moins que les hommes pour le même travail. Quant aux parcours professionnels des femmes, alors même qu’elles sont aujourd’hui aussi diplômées que les hommes, ils restent le parcours de la combattante ! Dans les conseils d’administration, les femmes occupent seulement 20 % des postes. Dans le milieu académique, rares sont les femmes professeures ordinaires. Et la loi à l’Université de Genève de 1990, qui inscrit le principe de la promotion des droits et des chances entre femmes et hommes par des mesures positives en faveur du sexe sous-représenté, n’y a pas changé grand-chose ! Cette loi sert même de loi alibi ! En tout cas, pour 2017, 73,3% des professeurs sont des hommes, alors que 57.1% du personnel administratif et technique est composé de femmes ! Toutefois, il faudrait encore affiner ces données, car derrière l’appellation « professeur » peut se cacher le professeur-associé, le professeur assistant, qui peut laisser présager que le pourcentage de femmes occupant une chaire de « professeure ordinaire » est encore plus faible. Quant aux emplois les moins rémunérés, ils sont toujours occupés majoritairement par les femmes.

    Voilà les raisons pour lesquelles il faut continuer à se battre pour plus d’égalité entre hommes et femmes. Ceci dit, est-ce une affaire générationnelle, je ne me reconnais pas dans un féminisme qui se répand aujourd’hui. A cet égard, ce n’est pas la forme de violence qui me gêne. Après tout, il n’y a pas de libération sans révolte, résistance et colère. Les mouvements féministes, issus des mouvements estudiantins de 1968, avec leur logo MLF ♀︎, ont également mené des contestations et actions violentes. Non, ce qui m’est étranger, c’est cette manière obsédante de réduire la femme en éternelle victime et d’accuser l’homme d’être maléfique, violeur ou encore « toxique » comme je l’ai entendu sur les ondes radiophoniques aujourd’hui ! Cet état victimaire ne tient pas compte de la complexité de l’âme humaine et, qui plus est, enferme les femmes dans un statut de victime.

    Pour ma part, je ne me suis jamais sentie victime. Peut-être parce que je suis tellement aliénée que j’ai été (et suis) incapable de reconnaître les mauvais traitements et agressions psychologiques subis qui m’auraient formatée en une victime qui s’ignore !

    Enfant, j’ai été élevée avec deux frères sans discrimination. Notre tour de corvée pour essuyer la vaisselle était mathématiquement égalitaire. Bien que cadette, mes frères savaient que, s’ils s’avisaient de m’embêter, je me défendrais avec pieds et poings si nécessaires. Or, dotée d’une belle énergie, ils n’auraient pas osé me molester ! Mon enfance avait un goût de liberté que beaucoup de jeunes ne peuvent plus soupçonner aujourd’hui. En dehors des repas et de l’école, j’étais souvent dehors à jouer avec les enfants du quartier, à courir, à grimper aux arbres, à jouer au ballon prisonnier, à cache-cache, à aller à la piscine ou en expédition dans la Vieille Ville à la recherche de trésors… J’étais si habituée à cette liberté qu’il m’était difficile d’obéir… Ce caractère m’a valu évidemment de nombreux renvois (écoles, catéchisme, cours au Cycle d’orientation pour un trimestre). A l’adolescence, mes parents se sont inquiétés de cette indépendance. Pour “protéger” la jeune fille que je devenais, ils ont voulu m’imposer un cadre plus coercitif. Changement de régime que j’ai si mal supporté que j’ai quitté la maison alors que j’étais encore collégienne et me suis assumée. Il est vrai que la période était facile, que les petits boulots ne manquaient pas, et  que le studio que j’avais trouvé (avec toilettes sur l’étage !) coûtait 190 francs/mois.

    Dois-je penser que cette confiance que j’avais en moi était une qualité exceptionnelle ? Pas vraiment ! J’ai l’impression que les rapports durant mon adolescence entre garçons et filles étaient moins machos ou agressifs ! Enfin, cela reste subjectif… Toutefois, il est vrai que j’avais autour de moi des figures féminines fortes. Ma grand-mère paternelle, née en 1895, veuve assez jeune, était avocate (une des premières de Suisse) et tenait son Étude avec sa fille (ma tante, née en 1920) également avocate et inscrite pendant 50 ans au Barreau genevois. C’était deux personnalités ! Et certains qui ont encore connu ma tante pourraient confirmer !

    Si je fais ce témoignage, ce n’est pas pour m’épancher dans des confidences, mais pour dire que toutes les femmes ne sont pas des victimes. Bon, je peux admettre que les femmes de la génération des Trente Glorieuses l’ont peut-être moins été que les jeunes femmes d’aujourd’hui qui ont des conditions sociétales et économiques plus difficiles.

    Néanmoins, le nouveau féminisme qui se répand aujourd’hui, qui veut déconstruire, car le féminisme traditionnel est raciste, et qu’il faut distinguer le « féminisme blanc » du « féminisme racisé », brade nos libertés, ruine la raison et enferme chacun (et chacune) dans les spécificités qui lui seraient imposées par la Nature (sa couleur de peau, son sexe fut-il fluctuant, son âge…).

    Nulle surprise que cette vision essentialiste idolâtre les menstruations, le clitoris, la vulve (au point que des jeunes filles font de plus de plus de chirurgie intime pour rendre leur vulve “normale” ou plus esthétique !). C’est cette même vision qui veut imposer un langage “propre” (épicène) alors que le langage et le genre des articles en français n’ont rien à voir avec le sexe.

    Avec cette vision essentialiste, aucune échappatoire !  Chacun est ramené à sa condition biologique et ethnique. Au point que l’homme blanc est maintenant accusé d’être « toxique » (oubliant que cet être toxique a été souvent élevé par une femme !).  

    On se trouve dans la même aporie avec les mouvements de l’antiracisme qui se développent et qui veulent faire du blanc (surtout le quinqua blanc) un être mauvais et nuisible qu’on doit exclure pour se réunir seulement entre noirs ou pour les femmes seulement entre femmes ! Ce militantisme, qui postule qu’il faut déconstruire la binéarité des sexes dans laquelle se réfugieraient de vieux schémas bourgeois et un patriarcat oppressif, nous impose pourtant des schémas binaires dangereux qui n’est finalement qu’un racisme inversé ou le miroir d’une société patriarcale qu’on singe.

    Loin d’émanciper qui que ce soit, « ce vrai travail de déconstruction des stéréotypes sexistes » qui doit se faire pour qu’il n’y ait plus rien de construit, plus aucun jugement, plus aucune hiérarchie, plus de frontières entre le masculin et le féminin afin de faire advenir la vraie égalité, est un totalitarisme. Comme toute idéologie totalitaire, ce nouveau féminisme veut nous imposer une novlangue et des normes puritaines, moralisatrice et liberticides au point d’ériger des lois pour interdire aux hommes d’uriner debout ! Mais, cette obsession que génère l’amour du même pour le même est dangereuse. René Girard dans la Violence et le sacré en a montré les dérives violentes et mortifères qu’elle produit. 

    Ne nous laissons donc pas intimider !

     

  • Ton martial pour les infectés du Covid

    Quelle ne fut pas la sidération de mon ami de recevoir hier un courriel, à en-tête officielle en bonne et due forme avec écusson de la République et canton de Genève, venant de la Direction générale de la santé du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé. signé par « la Médecin cantonale » (sic !). Ayant été détecté positif au test du Covid, mon ami pouvait s’attendre à une lettre courtoise et empathique avec le rappel de quelques principes sanitaires à respecter. Et bien non ! Cette missive au ton martial use d’une rhétorique juridique en quatre volets : « En fait », « En droit », « Décision prise par la Médecin cantonale » et les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect de la décision prise par les autorités cantonales (« la présente décision est passible de sanction conformément à l’article 83 al. 1 let. h LEp »).

    Dans la première partie « En Fait » sont énoncées quelques considérations : « vu qu’il est établi que ce virus se propage d’humain à humain ; vu que cette transmission s’effectue principalement lors de contact étroit et prolongé […] ».

    Dans la partie « En droit » est déroulée une série d’articles de lois dont voici un extrait : « Considérant qu’en vertu de l’article 35 LEp, si la surveillance médicale (art. 34 LEp) pour éviter la propagation se révèle insuffisante, les personnes présumées malades ou présumées infectées peuvent être mises en quarantaine et les personnes malades, infectées ou qui excrètent des agents pathogènes peuvent être mises en isolement ».

    Ces considérants débouchent alors sans ambages sur une décision de placement en isolement dudit destinataire du courriel. L’isolement est décliné sous diverses formes. Il peut être à domicile si la situation ne s’y oppose pas ou effectué en milieu institutionnel. Et, pour bien montrer qu’on ne badine pas avec les autorités sanitaires de la République et canton de Genève, on précise que « si la mesure prononcée n’est pas suivie, elle peut être exécutée par voie de contrainte, notamment par un transfert dans un autre lieu approprié, si nécessaire avec l’appui de la police cantonale » et passible même de sanctions (conformément à l’article 83 al. 1 let. h LEp). Comme tout acte juridique, celui-ci est évidemment susceptible d’un recours « dans un délai de 30 jours suivant sa notification » comme le précise la circulaire.

    Outre ce ton juridique et autoritaire, il est pour le moins inadmissible que ce courriel soit envoyé presqu’un mois après la guérison de mon ami. Dès les premières fièvres, celui-ci s’était immédiatement mis en quarantaine et à l’apparition de symptômes propres au Covid, il s’était fait tester. Par prudence et responsabilité personnelle, il a même poursuivi son isolement pendant quinze jours, après la fin des symptômes et sa guérison.

    Comment donc envoyer un tel courriel si tardivement ? Certes, on peut supposer que le médecin cantonal n’ait fait qu’apposer sa signature sur une lettre type envoyée à toutes les personnes infectées par le Covid. Néanmoins sa signature implique sa responsabilité directe. Y a-t-il trop de personnes à l’administration au point que le système devienne défectueux et inefficace ? Même si cette pandémie met tous les services à rude épreuve, est-il acceptable qu’une décision, dans une telle situation sanitaire, vienne avec presqu’un mois de retard ? Ce dysfonctionnement de l’État, permettrait-il à ce virus de se propager encore plus rapidement à Genève ? Car, en un mois, reconnaissons qu’une personne contaminée aurait le temps de contaminer massivement d’autres.

    Enfin, ce style juridique qui prend l’habit du gendarme autoritaire et menaçant, qui brandit un gros bâton contrevient à l’ADN de notre culture helvétique, qui privilégie la responsabilité individuelle. La responsabilité citoyenne aurait-elle tant diminué à Genève que les autorités se croient autorisées à s’adresser à la population avec ce ton brutal, humiliant et cassant ? S’il est certes difficile de trouver un juste équilibre entre respect et restriction de la liberté de chacun, surtout dans cette grave crise sanitaire, il faudrait aussi que nos dirigeants ne s’autorisent pas des libertés extravagantes (envers la langue française !). Si le médecin cantonal veut féminiser le nom du métier qu’elle exerce, pourquoi n’emploie-t-elle pas le terme « doctoresse » qui existe ? On peut certes penser que mes agacements envers le langage inclusif qui pollue notre communication est anecdotique. Mais, je vois un lien entre cette circulaire irrespectueuse (aux effets contre-productifs) et le manque de respect pour la langue française. Dans les deux cas, il y a une attitude omnipotente qui s’exerce sans retenue !
     

     
     
     
     
     

  • Le T-shirt des idées toutes faites

    Depuis une quinzaine de jours, les médias se font l’écho de la polémique (ou l’alimentent ?) de ce que certains ont nommé les « T-shirts de la honte ». Pour rappel : dans un Cycle d’orientation genevois, les élèves qui arrivent à l’école avec des vêtements jugés indécents doivent enfiler un T-shirt XXL sur lequel il y a le nom du Cycle, un logo emprunté au « like » de Facebook et l’inscription: « J’ai une tenue adéquate ».

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    Cette sanction, décidée en 2014, émane des élèves, des parents et des enseignants.
    Le concept de décence (ou de tenue adéquate) est, il est vrai, difficile à saisir, surtout pour ceux qui considèrent que c’est un concept éculé, qui n’a plus lieu d’exister au XXIe siècle, et qu’apprendre à nos jeunes un peu de retenue est synonyme d’une ringardise qui frise l’obscurantisme.
    Toutefois, est-il acceptable que chacun à l’école s’habille comme il l’entend ? A suivre la sociologue (professeur à l’Université de Lausanne en études genre avec laquelle je débattais à Forum le 26 septembre), ces T-shirts seraient une sanction d’une violence inouïe, infligée le plus souvent aux jeunes filles pour la taille d’un débardeur ou la largeur d’une bretelle ! De la part d’une universitaire, on pourrait s’attendre à des propos plus prudents. Ces jeunes filles, ont-elles subi une sévérité excessive de la part de la direction de l’école ? N’ont-elles qu’arboré des tops avec de fines bretelles ou délibérément transgressé les règles scolaires avec provocation, comme aiment tant le faire les adolescents ?
    En tout cas, pour la sociologue, aucune hésitation ! La sanction du T-shirt (qui évite le renvoi à la maison pour se changer !) est sexiste et aurait pour but d’exercer un contrôle sur les filles, de leur inculquer l’obsession de la respectabilité afin qu’elles aient honte de leur corps. Et, ce n’est pas tout ! Ce contrôle permettrait de susciter la peur chez les filles, de les mettre en garde contre tout message sexualisant qui pourrait déconcentrer (voire exciter) les garçons. Bref, l’école serait coupable de véhiculer un discours qui est celui de la culture du viol où les filles et femmes seraient toujours responsables de ce qui leur arrive, même lorsqu’elles se font agressées.
    Seulement voilà, cette grille de lecture sociologique, n’est-elle pas déplacée dans ce cadre scolaire ? Ces normes vestimentaires, ne s’appliquent-elles pas aussi aux garçons ? En effet, il n’est nullement autorisé pour les garçons de venir à l’école torse nu, vêtu d’un marcel, d’un training, en pyjama, avec des logos qui véhiculent des messages haineux ou encore avec une casquette vissée sur la tête… Prétendre donc que ces règles sont sexistes est un manque de discernement. Ce n’est pas parce que des normes sont davantage transgressées, ici, par des jeunes filles, qu’elles seraient sexistes. En suivant ce raisonnement, devrait-on considérer que notre code pénal est sexiste, puisqu’il y a davantage de délits commis par les hommes ? Faudrait-il instaurer des quotas dans les prisons entre hommes et femmes ?
    Suite au débat de Forum, j’ai reçu un témoignage qui montre bien que ces règles vestimentaires n’ont pas pour but d’humilier les filles :
    « Dans le Cycle d’orientation que j’ai dirigé pendant 19 ans, nous avions aussi des T-shirts du même genre que nous avons utilisés en premier lieu pour neutraliser des garçons qui portaient des logos à caractère militaire (dont celui des combattants de l’UCK), ce qui générait des conflits interethniques. Certains maillots de foot posaient également parfois problème, notamment pendant les coupes du monde, lorsqu’ils exacerbaient les sentiments nationalistes ».
    D’ailleurs, comment suivre la logique argumentative de cette sociologue qui admet qu’il y a des habits indécents à l’école, puisqu’elle me répond :
    « Si on interdit les pyjamas, c’est qu’effectivement, on veut envoyer le message que quand on va à l’école, on n’y va pas en pyjama. Donc, il y a des normes logiques ».
    C’est bien la première fois que j’apprends que des normes peuvent être “logiques”, alors que, par définition, elles sont définies par la société (dans le meilleur des cas) ou imposées par des groupes dominants. Mais, poursuivons avec notre pyjama et permettons-nous une interprétation aussi hasardeuse que celle de cette sociologue avec ces T-shirts. Ne pourrait-on pas affirmer que l’école interdit le pyjama, parce qu’elle ne veut pas faire l’éloge de la paresse, mais bien plutôt orienter les élèves sur le chemin de la production en vantant les mérites de l’effort au travail… Bref, je délire, mais je parodie un certain féminisme en folie, qui avec la « culture de l’annulation » (cancel culture) ou « culture de la dénonciation » nous déverse ses discours vindicatifs, extrémistes et agressifs.
    Pour conclure, dans une démarche éducative où les jeunes sont en formation et en recherche de repères, il est essentiel que ceux-ci apprennent qu’on ne s’habille ni ne s’exprime n’importe comment. On ne parle, en effet pas de la même manière à ses potes, son professeur, sa mère ou son patron. De même, on ne s’habille pas de la même manière pour aller à la plage, au travail, en voyage ou chez soi. C’est la base de l’éducation et de la convivialité. En revanche, ces problèmes d’indiscipline scolaires, doivent-ils vraiment faire la une de l’actualité ? Ne peuvent-ils pas être traités dans l’institution scolaire en concertation avec les partenaires concernés ? En tout cas, ce battage médiatique en dit long sur notre société nombriliste !
    Enfin, cessons de faire croire aux jeunes filles qu’elles sont des sempiternelles victimes. Comment, avec de tels discours, peuvent-elles avoir l’envie et des ambitions pour se projeter dans l’avenir ? Car, n’oublions pas : il n’y a pas plus sexiste que cette victimisation constante des filles !