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Ton martial pour les infectés du Covid

Quelle ne fut pas la sidération de mon ami de recevoir hier un courriel, à en-tête officielle en bonne et due forme avec écusson de la République et canton de Genève, venant de la Direction générale de la santé du Département de la sécurité, de l’emploi et de la santé. signé par « la Médecin cantonale » (sic !). Ayant été détecté positif au test du Covid, mon ami pouvait s’attendre à une lettre courtoise et empathique avec le rappel de quelques principes sanitaires à respecter. Et bien non ! Cette missive au ton martial use d’une rhétorique juridique en quatre volets : « En fait », « En droit », « Décision prise par la Médecin cantonale » et les sanctions prévues par la loi en cas de non-respect de la décision prise par les autorités cantonales (« la présente décision est passible de sanction conformément à l’article 83 al. 1 let. h LEp »).

Dans la première partie « En Fait » sont énoncées quelques considérations : « vu qu’il est établi que ce virus se propage d’humain à humain ; vu que cette transmission s’effectue principalement lors de contact étroit et prolongé […] ».

Dans la partie « En droit » est déroulée une série d’articles de lois dont voici un extrait : « Considérant qu’en vertu de l’article 35 LEp, si la surveillance médicale (art. 34 LEp) pour éviter la propagation se révèle insuffisante, les personnes présumées malades ou présumées infectées peuvent être mises en quarantaine et les personnes malades, infectées ou qui excrètent des agents pathogènes peuvent être mises en isolement ».

Ces considérants débouchent alors sans ambages sur une décision de placement en isolement dudit destinataire du courriel. L’isolement est décliné sous diverses formes. Il peut être à domicile si la situation ne s’y oppose pas ou effectué en milieu institutionnel. Et, pour bien montrer qu’on ne badine pas avec les autorités sanitaires de la République et canton de Genève, on précise que « si la mesure prononcée n’est pas suivie, elle peut être exécutée par voie de contrainte, notamment par un transfert dans un autre lieu approprié, si nécessaire avec l’appui de la police cantonale » et passible même de sanctions (conformément à l’article 83 al. 1 let. h LEp). Comme tout acte juridique, celui-ci est évidemment susceptible d’un recours « dans un délai de 30 jours suivant sa notification » comme le précise la circulaire.

Outre ce ton juridique et autoritaire, il est pour le moins inadmissible que ce courriel soit envoyé presqu’un mois après la guérison de mon ami. Dès les premières fièvres, celui-ci s’était immédiatement mis en quarantaine et à l’apparition de symptômes propres au Covid, il s’était fait tester. Par prudence et responsabilité personnelle, il a même poursuivi son isolement pendant quinze jours, après la fin des symptômes et sa guérison.

Comment donc envoyer un tel courriel si tardivement ? Certes, on peut supposer que le médecin cantonal n’ait fait qu’apposer sa signature sur une lettre type envoyée à toutes les personnes infectées par le Covid. Néanmoins sa signature implique sa responsabilité directe. Y a-t-il trop de personnes à l’administration au point que le système devienne défectueux et inefficace ? Même si cette pandémie met tous les services à rude épreuve, est-il acceptable qu’une décision, dans une telle situation sanitaire, vienne avec presqu’un mois de retard ? Ce dysfonctionnement de l’État, permettrait-il à ce virus de se propager encore plus rapidement à Genève ? Car, en un mois, reconnaissons qu’une personne contaminée aurait le temps de contaminer massivement d’autres.

Enfin, ce style juridique qui prend l’habit du gendarme autoritaire et menaçant, qui brandit un gros bâton contrevient à l’ADN de notre culture helvétique, qui privilégie la responsabilité individuelle. La responsabilité citoyenne aurait-elle tant diminué à Genève que les autorités se croient autorisées à s’adresser à la population avec ce ton brutal, humiliant et cassant ? S’il est certes difficile de trouver un juste équilibre entre respect et restriction de la liberté de chacun, surtout dans cette grave crise sanitaire, il faudrait aussi que nos dirigeants ne s’autorisent pas des libertés extravagantes (envers la langue française !). Si le médecin cantonal veut féminiser le nom du métier qu’elle exerce, pourquoi n’emploie-t-elle pas le terme « doctoresse » qui existe ? On peut certes penser que mes agacements envers le langage inclusif qui pollue notre communication est anecdotique. Mais, je vois un lien entre cette circulaire irrespectueuse (aux effets contre-productifs) et le manque de respect pour la langue française. Dans les deux cas, il y a une attitude omnipotente qui s’exerce sans retenue !
 

 
 
 
 
 

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