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Cassandre, la bannie

Cassandre est une figure féminine de la mythologie grecque, vouée à rester seule, bannie de tous. Connue pour sa très grande beauté, le dieu Apollon tombe amoureux d’elle. En gage de leurs futurs ébats, il lui donne le don de divination.

Cassandre accepte ce don, mais se refuse à Apollon. Si Apollon ne peut lui ôter le don qu’il lui a accordé, il va se venger en faisant en sorte que les prédictions de Cassandre ne soient jamais crues.

Position intenable et cruelle pour Cassandre ! Elle peut prédire l’avenir, mais personne ne la croit. Son savoir est inutile et sans espoir. Il ne sert à rien puisqu’elle ne peut persuader. Elle a beau prédire le malheur des Troyens, avertir que le cheval utilisé par les Grecs est un subterfuge pour envahir Troie, personne ne l’écoute.

Pire, ses prophéties exaspèrent ! On l’accuse de répandre le malheur, d’être une folle à enfermer. Son père, le roi Priam, la fera d’ailleurs jeter en prison avec un espion à sa porte pour recueillir les prophéties de la folle (car, on ne sait jamais si dans ses “délires” ou “transes” il n’y aurait pas quelque chose à saisir…). Mais l’espion, qui n’y comprend rien, ne peut rien rapporter.

Cassandre, c’est l’incarnation d’une tragédie. Détenir la vérité sans pouvoir la transmettre, quelle souffrance et amertume !

Cassandre, c’est à la fois une femme forte, révoltée, qui ose se refuser à un dieu (et au bel Apollon !) pour ne pas perpétuer une lignée de héros qui sèment la destruction et une femme fragile, victime parmi les victimes. Dépossédée de tout, elle vit en marge du monde, hors de soi, exclue même de sa famille. Plus elle voit l’avenir, moins on l’écoute, plus elle est bannie.

C’est de ce personnage que s’est inspirée la romancière allemande, Crista Wolf, pour écrire sa « Cassandre » sur laquelle Michael Jarell a tissé sa musique. Ce spectacle, créé à Avignon, actuellement joué à la Comédie de Genève, est un véritable bonheur : la musique de Jarell, la mise en scène de Loichemol, la scénographie et les subtils jeux de lumière de Seth Tilett… et le jeu exceptionnel de Fanny Ardant.

Car, pour jouer un personnage si riche, il fallait une toute grande actrice, capable de trouver le ton juste, de faire entendre les sentiments de douleur, d’amertume, de colère, d’excès et de fragilité…

Il fallait une voix ! Celle de Fanny Ardant bien sûr, car, comme l’écrit Alexandre Demidoff : « Fanny Ardant impressionne parce qu’elle sait garder la mesure dans l’excès tragique. Jamais de trémolo, non. » (in, Le Temps du 24 septembre 2015).

Dommage que ce spectacle reste si peu de jours à Genève (jusqu’au 27 septembre). Car, à notre époque où les techniques permettent de produire du faux si vrai (avec des images, des enregistrements, des imitations de produits…), cette Cassandre est décapante. Elle symbolise nos ambivalences, nos envies de nous leurrer, de nous rêver puissants pour ne pas avoir à penser à nos insoutenables fragilités et à nos folies…

 

 

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