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Encore faut-il s’estimer heureux qu’il n’y ait pas de vent !

Il y a des phrases, apparemment anodines, mais qui en disent plus que de longs récits !

L’une, lue dans « Si c’est un homme » de Primo Levi, reste à jamais gravée dans ma mémoire. Tirée d’une description de l’univers concentrationnaire nazi, cette phrase montre la capacité inouïe de l’humain de s’accrocher à la vie, de croire qu’on a encore de la chance, que notre situation pourrait être pire !

En ce 27 janvier 2015, septante ans exactement après la “libération”* par l’Armée rouge du camp de la mort d’Auschwitz, c’est cette phrase qui m’est venue à l’esprit.

Car, Primo Levi, déporté en 1944 dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz, parvient avec la force de son écriture à restituer toute l’horreur de ce que des hommes ont été capables de faire à d’autres hommes.

Ces déportés, enfoncés dans la boue gluante et froide en train de pelleter, si trempés qu’ils cherchent à bouger le moins possible « pour éviter qu’une portion de peau sèche n’entre inutilement en contact avec nos habits ruisselants et glacés » résistent encore à être réduits à l’état de “stück” (des morceaux, des débris…) selon la terminologie utilisée par les kapos.

Et, pour sentir la dignité d’homme à laquelle s’accrochent ces à “peine-survivants”, je vais laisser la parole à Primo Levi :

« Encore faut-il s’estimer heureux qu’il n’y ait pas de vent. C’est curieux comme, d’une manière ou d’une autre, on a toujours l’impression qu’on a de la chance, qu’une circonstance quelconque, un petit rien parfois, nous empêche de nous laisser aller au désespoir et nous permet de vivre. Il pleut, mais il n’y a pas de vent. Ou bien : il pleut et il vente, mais on sait que ce soir on aura droit à une ration supplémentaire de soupe, et alors on se dit que pour un jour, on tiendra bien encore jusqu’au soir. »

 

Primo Levi a écrit son témoignage entre 1945 et 1946. Mais, dans cet immédiat après-guerre, personne ne veut entendre les récits de ces rescapés qui suscitent l’effroi et désespèrent les familles en attente de nouvelles de déportés disparus.

 

« Se questo è un uomo » de Primo Levi sera tout de même publié en Italie en 1947. Mais son livre, pratiquement invendu, passa quasiment inaperçu.

 

Ce n’est qu’en 1987, plus de quarante ans après la guerre, qu’il sera traduit en français sous le titre « Si c’est un homme » et vendu à des centaines de milliers d’exemplaires.

 

Que Primo Levi soit lu et relu afin de nous permettre de ne jamais oublier cette période de barbarie, qui s’est déchaînée au cœur d’une Europe où fleurissaient la modernité, les techniques, les sciences avec un peuple si cultivé et éduqué, mais qui s’est laissé entraîner par les sirènes d’une société pure et par un discours de haine et de rejet de l’Autre…

 

* le terme de libération a été mis entre guillemets, car les Soviétiques ne sont pas vraiment venus pour libérer les camps

 

 

 

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