Tout le monde peut en parler…
Les billets sur l’école foisonnent ! Rien que pour ces derniers jours, nous pouvons lire sur les blogs hébergés par la Tribune de Genève :
« Aimer et défendre l'école », « DIP : radicaux, réveillez-vous ! » (P. Décaillet) ;
« Haro sur l'école », « Notre école en danger (1) – (2) et (3) » (J.-M. Bugnion) ;
« Oui-oui au pays du oui » (Jean Romain) et « Des dirlos opportunistes » (Duval).
La vision de la bonne école se décline en toutes sortes de partitions. Pour M. Bugnion, par exemple, « la droite s’en prend à l’école primaire » et « diminuer le temps de formation […] est le signe d’une politique qui augmente les clivages sociaux ». Mais, ces jugements, ne font-ils pas fi du contexte de l’école genevoise ?
Car, rappelons que le Département de l’Instruction publique (DIP) a été dirigé pendant plus de dix ans par un Conseiller d’Etat qui ambitionnait de “moderniser” l’école genevoise en imposant réformes scolaires sur réformes scolaires.
Mené par ses convictions plutôt que par un cadre conceptuel solide, ce magistrat s’est entouré de collaborateurs qui jamais ne le contredisaient. Et, pour ne pas avoir à penser ses “innovations”, ce chef du DIP empruntait ses réformes dans d’autres pays (surtout la France et le Canada) et adoptait d’étranges pratiques. N’allait-il pas jusqu’à commander un audit en le confiant à un “expert” qui avait piloté les réformes qu’il était censé évaluer ?
Quant aux chercheurs du Service de la Recherche en Education (SRED), qui auraient pu y mettre leur grain de sel, plusieurs rapportaient qu’ils ne faisaient plus de la recherche, car ils étaient entièrement au service du prince…
La particularité des réformes scolaires genevoises de ces dernières années, c’est qu’elles ont entrainé un nombre pléthorique de nouveaux postes de cadre et, par effet de ricochet, une diminution des enseignants sur le terrain.
Les projets et les conseils d’établissement avec leurs injonctions paradoxales (Cf. mon billet sur le sujet), pour lesquels une centaine de directeurs d’établissement primaire ont été nommés en 2008 pour les “piloter”, devraient être abrogés. Le fait qu’en six ans (entre 2008 et 2014), le DIP ait pu diminuer de 25 % le nombre des directeurs et directrices d’établissement (aujourd’hui au nombre de 73) révèle bien l’inanité de cette fonction qui coûte décidément très cher, même s’il existe de bons directeurs qui améliorent la vie d’une école (mais, ceux qui démotivent les enseignants existent aussi !).
Demander aux directeurs d’assumer un 50% d’enseignement (selon une motion déposée au Grand Conseil) n’est pas absurde. La mesure sera toutefois difficile à appliquer puisque quelques directeurs n’ont aucun titre pour enseigner et n’ont pas fait leur école à Genève.
Sur un territoire exigu comme Genève et avec les techniques dont nous disposons (portables, fax, ordinateurs), ne serait-il pas plus judicieux d’augmenter le nombre d’écoles pour les directeurs ou directrices d’établissement ? Au secondaire avec une organisation plus complexe, un directeur de collège ne peut-il pas avoir une équipe à gérer de presque cent enseignants ?
Enfin, contrairement à ce qu’affirme M. Bugnion, diminuer le temps de formation ne va pas augmenter les clivages sociaux ! La motion du député PLR Jean Romain, demandant que le temps de formation des futurs instituteurs du primaire passe de quatre à trois ans, est raisonnable. C’est le temps prévu dans les autres cantons. Par ailleurs, en tenant compte que les écoliers genevois passent une année de plus au secondaire, que les étudiants qui entreprennent cette formation doivent déposer un dossier de candidature et faire montre d’une expérience dans le domaine éducatif (qui les contraint souvent à faire une année de remplacement avant d’entamer leurs études), les enseignants du primaire à Genève débutent rarement leur profession avant 25 ou 26 ans alors que dans les autres cantons, ils peuvent le faire à 22 ou 23 ans ! Non, trop, c’est trop ! Cette formation à Genève est trop longue (trop cher !) d’autant plus qu’une majorité de ceux qui suivent cette formation à l’IUFE (Institut Universitaire de Formation des Enseignants) déplore la pauvreté du cursus avec des apports théoriques répétitifs, ennuyeux, et qui les préparent mal à tenir une classe !
Enfin, parlons des passerelles introduites en 2011 au Cycle d’Orientation pour réorienter les élèves. L’audit mené par la Cour des comptes relève que la mise en œuvre de cette réforme, qui « souffre d’une absence de vision globale et de contrôle », n’est pas maîtrisée, et qu’une meilleure planification et répartition des élèves permettraient « un potentiel d’économies de 12 millions de francs ».
Si chacun se bat pour défendre son pré carré encore très vert, Genève doit néanmoins réduire sa dette colossale !
Avec les exemples ci-dessus, on voit que le DIP peut changer ses priorités et consacrer une part plus importante de son budget aux élèves. Car, constater, comme l’an passé à l’Ecole Le Corbusier, dont des classes (locaux) étaient fermées, que les deux classes de 1P (1ère enfantine) avaient des effectifs de 26 élèves, est une honte ! Comment bien démarrer sa scolarité dans de telles conditions ?
Selon les chiffres fournis par le député Cyril Aellen, il n'y aura pas l’an prochain de suppression de postes au DIP, mais une réduction de l'augmentation des postes. Néanmoins, la grève très suivie par les enseignants du primaire révèle un malaise qu’il s’agit de questionner.
Par contre, que des directeurs d’établissement primaire aient pu se joindre à cette manifestation est pour le moins incongru. D’une part, en tant que hauts cadres, ne devaient-ils pas rester dans les écoles pour en assurer le bon ordre ? D’autre part, lorsqu’on est fonctionnaire, en classe 24 (avec un traitement jusqu’à 170'815 + un 13ème salaire) n’est-il pas indécent de participer à la grève de la fonction publique ?
Il faut espérer que Mme Emery-Torracinta, dans le but de “moderniser” à son tour l’école, saura mieux définir les priorités de l’école genevoise pour qu’une part importante du budget de l’éducation soit vraiment consacrée aux élèves…