Une allocation « Rentrée scolaire » pas vraiment séduisante!
Dans sa page “Genève & région“ du vendredi 10 janvier 2014, la Tribune de Genève titre : « L’allocation rentrée de la Ville séduit 3800 familles ». En sous-titre, on lit : « Le projet, une première en Suisse, vise à offrir 130 à 180 francs par élève pour couvrir l’achat des fournitures scolaires ».
L’initiative de Mme Esther Alder n’a néanmoins pas, faut-il l’avouer, séduit nombre de conseillers municipaux. Sans être consultés sur ce projet, ils ont été mis devant le fait accompli. Il est vrai que la magistrate, en charge de la cohésion sociale et de la solidarité en Ville de Genève, était en droit de le faire, puisque le financement de ce projet provenait de montants inutilisés de son département et de fonds, donc, réalloués. Mais, tout de même, pour l’élégance de la forme, les élus auraient pu être informés autrement que par la Presse !
Par ailleurs, il faut savoir que, si l’allocation peut paraître modeste (130 francs pour les élèves du primaire et 180 francs pour ceux du CO), au final, la facture pour la Ville de Genève s’élève tout de même à un demi million !
Et, là, se posent des questions de priorités politiques et de gestion financière.
Rappelons que l’école publique genevoise fournit la totalité du matériel scolaire à ses élèves, c’est-à-dire : cahiers, manuels, brochures, livres, carnets de devoirs, crayons, plumes, stylos, ciseaux, règles, gommes, classeurs, machines à calculer. Il n’y a donc aucune fourniture scolaire à la charge des parents. Seuls les vêtements de gym (ou basanes pour les petits), le tablier de peinture, les pantoufles (au primaire) et le cartable (qui dure plusieurs années scolaires) doivent être amenés par les élèves. Là, je voudrais témoigner que beaucoup d’enseignants, possédant des réserves de vêtements de gym, de tabliers et de pantoufles, les donnent en toute délicatesse à des élèves de familles à revenu modeste.
Avec un tout petit peu d’imagination, d’autres solutions pourraient être facilement mises sur pied telles que :
- organiser une collecte annuelle dans les écoles pour créer, dans une salle de la Ville, une “foire aux trouvailles” où les familles pourraient préparer la rentrée scolaire de leurs enfants. Ce genre d’action pourrait certainement être conduit par des bénévoles (puisqu’il existe encore actuellement quelques bénévoles dans les restaurants scolaires) ;
- transmettre les informations aux familles, qui ne connaîtraient pas les précieux lieux d’entraide genevois, afin qu’elles puissent se procurer les effets pour la gym (et même tous les vêtements pour leurs enfants) dans les “Vêt’Shop” de la Croix-Rouge genevoise, les boutiques de Caritas ou du CSP (Centre social protestant), où les articles, souvent d’une qualité exceptionnelle avec des habits de grandes marques, s’achètent parfois, au poids de 10 kilos, pour quelques francs.
Mais, ces solutions toutes simples, et qui ne coûteraient rien à la Ville, ne sont certes pas aussi alléchantes pour Mme Alder qui, avec son allocation de rentrée, soigne sa com’ et mène une opération de séduction auprès des Genevois.
Cette prime de la Ville crée en plus une disparité de traitement entre les écoliers de la Ville de Genève et ceux des autres communes du canton, qui ne la reçoivent pas.
Enfin, si Mme Alder disposait d’une ligne budgétaire inutilisée dans son département, il aurait été plus correct de réallouer cet argent pour améliorer les conditions de travail du personnel du parascolaire en Ville de Genève. Car, avec l’augmentation exponentielle des élèves qui fréquentent les restaurants scolaires et le parascolaire, l’encadrement au parascolaire s’est dégradé, faute de postes. Il n’est en effet par rare, pour ce personnel dévoué, d'être seul pour faire manger une vingtaine d’enfants de 4 et 5 ans !
Il aurait aussi été plus responsable de la part de cette magistrate de se rappeler que “gouverner, c’est prévoir”, et de réaliser que la Ville de Genève a peut-être mangé son pain blanc, et que les deniers publics doivent être utilisés à bon escient.
La réforme des impositions des entreprises et l’introduction de l’école le mercredi matin au primaire (qui sera un véritable gouffre financier tant pour le canton que pour les communes genevoises) péjoreront la situation économique à Genève.
Cette nouvelle prestation, qui sera reconduite l’an prochain, et qui risque fort d’être “institutionnalisée” (car, retirer une allocation sera perçu comme une attaque envers un droit acquis) est donc, dans ces temps incertains, totalement inopportune.
Prétendre enfin, comme le fait Mme Alder, que « cette initiative est aussi un moyen d’encourager les Genevois à fonder une famille » est parfaitement risible.
Si fonder une famille dépendait d’une allocation de 130 ou 180 francs, ce serait là une motivation invraisemblable…