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Convictions convenues… au SRED

Avoir une conviction et la défendre bec et ongles est une attitude saine pour autant qu’elle soit passée par le crible du raisonnement et de l’argumentation. Dès lors, elle peut devenir un tremplin pour agir.

En revanche, la conviction, qui n’est le fruit d’aucune activité réflexive, et qui s’impose comme une évidence, est dangereuse. Surtout, si elle habite un homme (au sens générique du terme) qui endosse des responsabilités, et qui exerce une autorité. Cette conviction-là induit des attitudes d’intolérance et de soumission. Elle est à combattre dans tous les cas.

Aussi, lorsqu’un directeur d’un établissement scolaire primaire et un autre du Service de la recherche en éducation (SRED) avancent une et une seule explication à la diminution de la violence en milieu scolaire, il ne faut pas être dupe !

Car, en dépit de précautions rhétoriques :

-       la phrase interrogative du directeur d’établissement (« Faut-il en conclure que la mise en place des directions d’établissement au primaire […] et leur engagement pour prévenir la violence et assurer un climat scolaire propice aux apprentissages a eu une influence sur cette amélioration notable ? ») ;

-       l’utilisation d’une litote par le cadre du SRED (« La création des directions d’établissement n’est pas étrangère à ce phénomène », in TG du 23 août) ;

ces propos portent manifestement l’empreinte de la conviction que la nomination de directeurs dans les écoles primaires est un progrès incontestable !

Pour le directeur d’un établissement scolaire, on comprend qu’il veuille magnifier sa fonction et au passage défendre son bifteck (rappelons que les directeurs des écoles primaires à Genève, en classe salariale 24, sont mieux payés qu’un Chargé de cours à l’Université de Genève) pour un Cahier des charges qui feraient pâlir d’envie un patron d’une PME.

Quant au directeur du SRED, sa précipitation à donner une explication à la diminution de la violence en milieu scolaire est plus problématique. En tant que cadre d’un Service de la recherche en éducation, il devrait se montrer prudent dans ses conclusions. En effet, le rôle du chercheur ne se limite pas à récolter des données, mais - et c’est la démarche la plus délicate – à avancer des hypothèses.

Assurément, pour rester dans le domaine d’une recherche scientifique, le chercheur doit procéder avec retenue (puisque, en soi, les chiffres et statistiques ne disent rien ou peuvent tout dire) en usant de la plus grande impartialité et en faisant apparaître divers arguments possibles. Or, là, on peut tout de même s’étonner que l’explication donnée sur ce phénomène de diminution de la violence glisse si facilement dans la norme imposée par le chef du DIP.

Cela ne plaide pas pour la crédibilité du SRED qui, comme je l’ai déjà écrit dans un précédent billet, pose un double problème. Il est à la fois un service de recherche en éducation (avec les paradoxes de ce champ de recherche), mais qui plus est, un Service de l’Etat, c’est-à-dire soumis au magistrat en charge de l’éducation et aux options politiques de ce dernier.

Enfin, n’est-ce tout de même pas exagéré de faire “beaucoup de bruit pour rien” ?

Car, si l’on tient compte des chiffres donnés, on apprend qu’on a comptabilisé 411 actes de violence en 2011-12 et 393 durant l’année 2012-13. La différence est donc de 18 cas, c’est-à-dire à peu près 4% de diminution.

En terme de violence, ce n’est pas rien ! Mais, si l’on tient compte que le 4/5e des actes de violence a été signalé dans l’enseignement secondaire, la diminution de la violence du primaire ne doit pas être si spectaculaire.

Enfin, admettons qu’au primaire, la violence ait réellement baissé ces dernières années. Au lieu d’encenser immédiatement la mise sur pied de directeurs dans les écoles primaires, les chercheurs pourraient amener d’autres hypothèses :

-       l’effectif des élèves au primaire a diminué ces dernières années ;

-       avec la mise en place des directeurs, ces derniers, étant en compétition les uns avec les autres, retiennent des informations qui pourraient les faire passer pour des directeurs incompétents auprès de leurs pairs ou de la direction générale de l’enseignement primaire ;

-       une sorte de banalisation de la violence amènerait à ne plus signaler certaines violences.

Quelques pistes à explorer… pour des chercheurs en quête d’identité !

 

 

 

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