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Confidences ou… manipulations

Hier, vendredi 12 avril n’était, de toute évidence, pas un 1er avril. Pourtant, en lisant la Tribune, je me suis demandée si l’article : « Un avocat : “J’aide des clients à frauder le fisc” » n’était pas un poisson d’avril.

Comment imaginer qu’un avocat puisse déclarer « sous le sceau de la confidentialité », par l’intermédiaire d’un journaliste, que sa fonction consiste à frauder la loi ?

En clair, le journal rend public les propos d’un avocat d’affaires (sans décliner son identité), qui se confierait « sans langue de bois », donc sous-entendu, en nous restituant toute la vérité, rien que la vérité !

Et, point de chute admirable, ces confidences révéleraient que la profession d’avocat est exercée par des personnes qui n’ont aucun scrupule (« je n’ai aucun scrupule »), et qui ne seraient mobilisées que par l’appât du gain, fut-il obtenu frauduleusement.

A cet égard, il faut rappeler que dans le Code suisse de déontologie de la profession d’avocat, dont les règles s’imposent à tous les membres, l’article premier précise : « L’avocat exerce sa profession, avec soin et diligence, et dans le respect de l’ordre juridique ». Or, l’ordre juridique désigne l’ensemble des règles de la Constitution, des lois et des règlements administratifs.

Assurément, on peut toujours faire l’éloge du traitre ! Mais, tout de même, quel serait l’avocat d’affaires assez idiot pour éveiller la haine et le soupçon envers les institutions financières et, plus encore, envers l’ordre des avocats auquel il appartient ?

Ici, de sérieux doutes peuvent être nourris. Et, si ces révélations n’étaient qu’une farce ! 

Car, à moins que l’avocat d’affaires en question soit membre d’ATTAC, nourri d’une sensibilité communiste ou trotskiste, qui l’amènerait à combattre les politiques néolibérales, il est difficile de comprendre ce qui motive ses confessions.

Outre, qu’il se met inutilement en danger (une fuite dans un journal est si vite arrivée) avec la menace d’être poursuivi d’une peine qui peut être extrêmement lourde (surtout s’il voyage dans certains états…), on peine à comprendre la cohérence du bonhomme. Serait-il possible de s’égarer à ce point ?

Enfin, l’âme humaine est tellement complexe qu’on peut toujours imaginer qu’un avocat d’affaires puisse être militant de gauche et exécrer le monde de la finance. Cela doit être rare, mais pas impossible. Il existe bien des millionnaires de gauche !

Toutefois, je reste profondément sceptique, car cet article entraîne bien des questions :

  • Comment prouve-t-on, au lecteur, que le propos soit authentique ?
  • Est-ce que l’émetteur de ce message a été scrupuleusement authentifié ?
  • Est-ce que les règles fondamentales du journalisme ont été respectées ?

S’il est peut-être juste de penser que la frontière entre l’optimisation fiscale et la fraude fiscale peut être fine et parfois poreuse (je ne suis pas spécialiste dans le domaine !), de là à prétendre qu’être avocat consiste à détourner les lois, c’est un pas à ne pas franchir.

Il est vrai qu’on connaît l’habileté des avocats à “jouer” avec les lois ou plutôt à exceller dans l’art de les interpréter. Ne dit-on pas qu’un pénaliste avec une brillante plaidoirie peut “sauver une tête” ?

images-1.jpegCertainement, tout comme le garçon de café joue à être garçon de café (dixit Sartre !) et se confond avec sa fonction, l’avocat aussi. L’avocat plaide. L’avocat a toujours raison ! Il argumente, il défend une cause et peut être capable avec des raisonnements subtils de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Et, en pratiquant l’art de la persuasion ou en démêlant les méandres juridiques, l’avocat fait son métier et acquiert quelques traits de la fonction, merveilleusement croqués par Honoré Daumier.

Mais, dans l’article de la Tribune, on ne fait pas l’éloge (ou la critique) d’une quelconque habileté professionnelle, on se situe sur un autre terrain, puisque l’avocat se vante de violer les lois !

Impardonnable !

Mais, imbibée de films d’Hitchcock, je reste sceptique sur le bien-fondé d’un tel article. Et, la première pensée qui me vient en tête est : « à qui profite le crime » ?

Car, à lire les commentaires suscités par cet article de la Tribune, mis en ligne et ceux entendus de vive voix aujourd’hui tels :

 

« Les avocats sont des racailles en col blanc ! » ; « Il faut protéger la société de ce genre d'individus » ; « ces affreux jojos portent un part non négligeable des problèmes de notre monde » ; « C'est à cause d'eux que les Etats sont endettés » ; « La différence entre un avocat et un corbeau ? Le corbeau arrête de voler de temps en temps » ; « les banques et les avocats nous ruinent » ; etc.

je vois que les banques, la finance et les avocats sont les cibles tout désignées. Quelles sont alors les intentions du journaliste ? Pourquoi donner la parole à un délinquant ? Est-il si nécessaire d’éveiller la haine et la perte de confiance ?

 

 

 

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