Tous des malades !
Créer une base de données des analyses génétiques (ADN) des nouveaux-nés est la motion que vient de déposer le conseiller national Jacques Neirynck au Conseil national.
D’après ce politicien, la constitution d’une banque de données génétiques (ADN) par la Confédération suisse permettrait de protéger ces données en les mettant sous contrôle légal étatique (contrôle plus serré que le secret bancaire d’UBS !).
Plus encore, ces données seraient une source précieuse pour les chercheurs et permettraient également une détection précoce et systématique de maladies qui n’ont encore aucun symptôme, mais qui pourraient apparaître à l’âge adulte.
En clair, on pourrait expliquer à des parents que leur bébé fille (dont le moindre téton ne pointe pas encore !) pourrait, à l’âge adulte, développer un cancer du sein !
Ou encore, toujours grâce à ces analyses d’ADN, on pourrait annoncer aux heureux parents d’un nouveau-né, que celui-ci, dans 50 ans, aurait une probabilité élevée de développer un diabète, et que la mère (avec le père… pour lutter contre le sexisme !) serait bien avisée, une fois le sevrage du nourrisson terminé, de faire attention à l’alimentation du poupon.
Je ne vais me prononcer ni sur le coût d’une telle opération lancée au niveau national ni sur l’usage potentiellement abusif de ces fichiers. Rappelons seulement que le meilleur système de sécurité n’est jamais à l’abri d’un employé qui vendrait des données pour extorquer beaucoup d’argent à ceux qui peuvent en tirer des bénéfices (par exemple, dans ce cas, à une assurance maladie qui voudrait réduire ses risques financiers).
Les vols de données sensibles, en Suisse, on connaît !!!
Par contre, cette politique de prévention des maladies sur un long terme (jusqu’à 50 ans voire plus…) est d’un point de vue éthique plus que problématique, et provoquera de nombreuses maladies.
En effet, cette logique focalisée sur des maladies et pathologies virtuelles éveille la crainte chez l’être humain.
Dire à un enfant qu’il a un risque de développer plus tard un diabète, c’est le propulser dans la maladie. En effet, le pauvre pourrait être tellement angoissé qu’il risque de développer des troubles alimentaires pour compenser (ou nourrir) ses inquiétudes et favoriser ainsi l’apparition d’une maladie qui aurait pu ne jamais se manifester.
La génétique n’explique pas tout !
Mais, plus encore, cette politique sanitaire de détection précoce des maladies, ne déresponsabilise-t-elle pas l’humain, ne le réifie-t-elle pas et ne le rend-t-elle pas otage de soins médicaux, de marchés et cartels pharmaceutiques juteux ?
Pensons au fameux manuel qui recense les troubles mentaux (le DSM : Diagnostic et Statistical Manual of Mental Disorder) dont la première publication de 1952 recense 60 maladies, et qui va décrire, dans sa 4ème publication de 1994, pas moins de 410 pathologies ! Quant à la 5ème édition (DSM-5), qui devrait paraître en mai 2013, le nombre des maladies serait encore plus impressionnant !
Comment expliquer cette croissance des pathologies ?
Non, l’homme ne devient pas de plus en plus malade !
Cette augmentation exponentielle des maladies montre la dérive de notre société qui “pathologise” des expériences humaines banales.
“Trop” de tristesse après un deuil deviendrait pathologique et entre dans une maladie identifiée ! Les irritabilités ou sautes d’humeur durant le cycle féminin aussi ! Heureusement, les antidépresseurs viendraient à l’aide de tous ces dysfonctionnements et pourraient même réguler les gens “trop” joyeux !
Cette boursouflure des maladies du DSM est d’ailleurs aujourd’hui l’objet de critique de nombreux psychiatres et psychologues cliniciens, parmi lesquels Boris Cyrulnik (ancien directeur du DSM) qui n’hésite pas à dire que de fausses maladies sont inventées pour prescrire des molécules, qui ne sont, que de faux médicaments !
A nous considérer tous comme des malades en puissance, on angoisse la population, on favorise les maladies et dépressions et on agonise...
Car, même si la vie est sexuellement transmissible (en principe !) et mortelle à 100%, chaque être humain - et plus encore la jeunesse - a besoin pour grandir, s’épanouir, et sortir de son égocentrisme, de vivre, peut-être avec un peu d’insouciance, mais surtout d’oser croire en son avenir.