Boycott des "instits"
Lors de l'assemblée générale de la Société pédagogique genevoise (SPG) du mardi 29 mai 2012, les enseignants du primaire ont voté, à une très large majorité, le boycott du nouveau bulletin scolaire des 1P et 2P (Harmos).
Mon dernier billet (« L'école, cette pécore ») était justement consacré à l'excentricité de cet objet, totalement inadapté, et qui n'a donné lieu à aucune concertation avec les enseignants.
Je rappelle que la feuille d'évaluation du 3ème trimestre des carnets des 2P, récemment envoyée dans les écoles genevoises, demande aux enseignants d'évaluer, entre autres, les compétences acquises par leurs élèves (qui ont 5 ans en début d'année !) dans les « Langues » et les « Sciences humaines et sociales » !
N'arrivant pas à se faire entendre par leur hiérarchie, les enseignants ont lancé une pétition contre ces évaluations (pétition qui a récolté 1200 signatures en un mois !). Puis, par dépit et par conscience professionnelle, ils ont décidé de boycotter ce nouveau bulletin scolaire.
Comment expliquer un tel dysfonctionnement au sein d'une institution scolaire, qui se targue pourtant de vouloir « renforcer la démocratie et la participation » en instaurant le dialogue entre les partenaires ? Les Conseils d'établissement n'ont-ils pas été créés avec cet objectif ?
Comment concevoir un bulletin scolaire sans consulter les enseignants ?
D'où vient ce dysfonctionnement ?
La grande maladie de l'école aujourd'hui (et pas seulement à Genève), c'est qu'elle a voulu, comme toutes les entreprises, adopter « pour être plus efficace » les procédures d'évaluation tirées du "management" des entreprises.
Premier signe de cette mutation au DIP : l'augmentation exponentielle de postes de hauts cadres ! Deuxième signe : l'invasion d'une terminologie obsédée d'évaluation. Ainsi au sein des établissements scolaires, on ne parle plus de lecture, de grammaire, d'écriture, de discipline...(les services didactiques ont d'ailleurs été fermés par le chef du DIP), mais de :
- l'évaluation des projets d'établissement;
- l'évaluation des compétences des enseignants;
- l'évaluation des compétences de l'équipe des enseignants;
- l'entretien d'évaluation et de développement personnel, qui a comme sous titre: «Moment privilégié de dialogue entre la hiérarchie et les collaborateurs».
Avec cette idéologie "managériale", le "justifier" et le "rendre compte" sont des leitmotive qui imposent des méthodes "précises" et l'utilisation d'instruments "pertinents", censés améliorer le fonctionnement de l'entreprise en la rendant plus efficace. La dernière cible de ces procédures : les élèves !
Est-il besoin de préciser que face à ces nouvelles démarches et procédures managériales, les enseignants ont été dépossédés de leur savoir professionnel et écartés de toute décision scolaire et même de la formation des enseignants.
Désormais, l'école est gouvernée par des sociologues, des diplômés de management et de RH (ressources humaines), des psychologues du travail, des gestionnaires...
Ces décideurs des politiques scolaires, totalement déconnectés des réalités du terrain et ignorants du développement de l'enfant, veulent plaquer leurs procédures d'évaluation sans connaître le contexte ni les destinataires.
C'est ainsi qu'on arrive à vouloir évaluer les « Sciences humaines et sociales » chez des enfants de 5 ans !
Au secours Rousseau, reviens à Genève ! L'école devient folle !