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« Je suis comme je suis ! »

« Je suis comme je suis ! » clame Richard III dans l'opéra joué actuellement au Grand Théâtre de Genève. Dans ce magnifique opéra contemporain de Giorgio Battistelli, qui marie les genres musicaux avec bonheur (mélodies, percussion, procédés électroniques) dont la mise en scène, les décors, les costumes sont au service de l'œuvre et soulignent l'aspect noir et sordide de ce drame, le spectateur en sort nourri musicalement, séduit visuellement et affectivement plus intelligent.

 

Car, cet opéra sans concession, un peu pasolinien, mais certainement très shakespearien, nous emmène dans l'univers mental de Richard III, dans son obsession à vouloir régner, quitte à massacrer un à un les membres de sa famille et tous ceux qui pourraient gêner son ambition.

La noirceur et la cruauté de Richard III se résument à une seule petite phrase : "je suis comme je suis" (« I am what I am ! »).

Enflé par son autosuffisance, Richard III n'a besoin de personne, ni amis, ni famille, ni enfants, ni confidents. Pour lui, l'amour n'est qu'une sornette bonne pour les petites gens niais et stupides !

« Je suis comme je suis !», dit-il avec redondance. Non point pour se justifier ! Non, Richard III est au-delà de toute culpabilité. Avec Richard III, on est dans l'immédiateté des pulsions, dans la bestialité à l'état pur, merveilleusement interprétée par la gestuelle et les mimiques du baryton Tom Fox qui donne à son personnage toute sa dimension monstrueuse.

« Je suis comme je suis » révèle la non considération de Richard III pour les autres qui n'existent pas. Chez lui, pas de distinction entre proches et étrangers. Non, occultant que le "je est un autre", Richard III vit dans un monde concentrationnaire de folie, d'inhumanité, enfermé en (et sur) lui-même où le reste du monde lui est étranger.

Ce monde concentrationnaire est superbement représenté par le décor. Avec son arène de cirque et ses gradins élevés, le décor fait penser à une prison dont la forme sphérique ne permet que de tourner sur soi-même, sans pouvoir trouver de sorties. Quant aux costumes noirs rigides de croque-morts presque, ils servent la noirceur de cet opéra et donnent des scènes presque surréalistes, qui nous permettent de contempler toute cette cruauté sans détourner notre regard. L'idée d'avoir donné des pelles aux soldats (comme armes) et une brouette pour le transport des cadavres est tout simplement génial. Le traitement sonore des cauchemars de Richard III aussi !

Cette mise en scène (qui ne vise pas le réalisme devient plus vraie que nature) accentue la cruauté de Richard III où, avec son « je suis comme je suis », il génère une morbidité primaire, où la terre (rouge de sang !) va remplir les bouches de tous ceux qui n'auront pas même pu parler. Ce choix "rustique" des pelles et des brouettes annonce aussi la fin de Richard III, qui face contre terre, meurt en quémandant pitoyablement un cheval contre son royaume (« a horse, a horse ! My kingdom for a horse ! »).

Un opéra superbe, à voir absolument pour le plaisir, parce qu'il est rare d'assister à un opéra contemporain et, à notre époque où l'on prône tant la transparence, pour nous sortir de "notre sommeil dogmatique".

 

 

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