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  • “La mairesse” de Genève agit au gré de ses caprices

    Avant de quitter la scène politique, notre “mairesse” veut occuper la scène médiatique. Et, là, avec ses nouveaux panneaux de signalisation aux pictogrammes féminisés, introduits en Ville de Genève pour annoncer les passages piétons, Sandrine Salerno a réussi son coup ! Tout sourire, sous les feux de la rampe (voir le TJ de 12h45 ou de 19h30 de la RTS du 16 janvier 2020), elle explique combien ces panneaux, qui offrent une déclinaison de 6 types de femmes différentes (une femme enceinte, une âgée et un couple de femmes…), sont utiles.                                  

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    D’après la magistrate, ces panneaux poursuivent un travail sur la parité hommes et femmes et permettent de lutter contre les stéréotypes, d’égayer nos rues et de questionner la place des femmes dans l’espace public. Le militantisme de notre magistrate manque, une fois de plus, sa cible, car ces nouveaux panneaux (à 56'000 francs !) ne déconstruiront aucun stéréotype. En revanche, ils ouvriront une boîte de Pandore. Avec ces panneaux “genrés”, la Ville introduit de l’exclusion. En effet, vouloir représenter la diversité de la population (gens en surpoids ; personnes en situation de handicap : unijambistes, sur chaise roulante, sans bras ; femmes en nikab…) est impossible. Mais, Mme Salerno a précisé que ces panneaux sont appelés à évoluer, et que les personnes qui se sentent oubliées pourront venir le dire « pour qu’on commence à discuter ».

    Or, la valeur d’un panneau signalétique réside dans son aspect neutre et standard. Si le bonhomme traditionnel du passage piéton a une forme trop masculine, les autorités pourraient songer à le remplacer par un pictogramme plus stylisé.

    Prendre au contraire l’option de féminiser le pictogramme peut aussi altérer la compréhension des panneaux. C’est pourquoi, les panneaux de signalisation sont soumis à une législation très stricte de la Confédération et ne peuvent être modifiés. Toutefois, il semble que les panneaux des passages pour piétons, au caractère informatif, échappent à cette jurisprudence. Il serait néanmoins intéressant qu’un juriste se penche sur la légalité de l’action de Mme Salerno qui transgresse parfois allégrement notre constitution. On se souvient de son attitude sexiste envers les employés de la Ville lorsqu’elle avait donné congé exclusivement aux femmes et aux transgenres - mais pas aux hommes - pour participer à la grève du 14 juin 2019 (Cf. ancien billet).                

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    Comme je l’ai écrit ci-dessus, en féminisant ces panneaux, il y a un risque de perte de lisibilité. A cet égard, j’aimerais faire un témoignage sur une situation vécue, il y a deux ans. J’étais à l’angle de la rue de la Fontaine et de la rue du Vieux-Collège, où se trouvait (et se trouve toujours) un panneau (déjà !) féminisé, censé indiquer la fin d’une zone piétonne (Cf. la photo). J’ai été alors abordée par un touriste indien, qui visitait Genève avec sa femme et son petit garçon. Perplexe et arrêté net devant ce panneau, cet Indien me demanda :

    « Excuse me lady, is it not allowed for my wife and my son to go further on ? »

    Non, ce n’est pas un sketch, même si l’anglais au fort accent indien a rendu la scène, pour moi, plutôt comique. En revanche, la réaction de ce touriste indien était fort pertinente. Introduisant une femme (en robe, alors que tant de femmes sont aujourd’hui en pantalon !) qui tient un enfant par la main (bonjour le stéréotype, dès qu’il y a un enfant, on met une maman), ce panneau donne à penser que les femmes et les enfants ne sont pas autorisés à aller plus loin, à franchir cette zone. Lecture logique, puisque le féminin est exclusif alors que le masculin est inclusif !

    Ne pourrait-on pas attendre de la part de « la mairesse » de Genève qu’elle agisse avec un peu plus de sérieux, et qu’elle prenne ses décisions en consultant le parlement de sa commune ? Pour précision, avec Mme Salerno, je féminise l’article et le mot et je dis « la mairesse ». En effet, pourquoi n’appliquer, envers elle, l’exigence du féminin qu’à l’article, alors qu’elle impose, dans l’administration, une féminisation absolue du langage ? Or, les mots se féminisent ! On dit bien un maître – une maîtresse ; un âne – une ânesse » (Cf. ici).

    Enfin, la priorité d’un maire ne devrait-elle pas être d’instaurer des mesures, voire des réformes, qui rassemblent les habitants de sa commune ? Or, les décisions de Mme Salerno, reconnaissons-le, divisent, séparent la population et favorisent le communautarisme. Elles sont aussi, comme l’écrit Julie (in, TdG du week-end) s’exprimant sur « ce changement de sexe opéré sur les 250 panneaux bleus des passages pour piétons […] des préoccupations d’enfant gâté […] déplacées ».

    En outre, ne devrait-on pas s’inquiéter de l’obstination de Mme Salerno à détruire le socle commun de notre société ?

     

     

  • L’onde de choc du livre de Vanessa Springora

    Depuis le tsunami déclenché par le livre « Le Consentement » de Vanessa Springora (que je n’ai pas encore pu me procurer), les médias et réseaux sociaux ne parlent que du scandale Matzneff. C’est tout un monde ou plutôt l’idéologie d’une liberté sexuelle totale, prônée dans les années 70-90 comme tremplin d’un progrès sociétal, censé apporter le bien-être à tous, qui est aujourd’hui questionné. Et, c’est tant mieux !  Car, tout aveuglement ou excès déverse son lot de victimes et ses tragédies. Or, Vanessa Springora est bien une victime de cette époque complaisante, qui, au nom d’une libération sexuelle, s’est fait dévorer, à 14 ans, par un ogre de 50 ans, qui s’est emparé de son innocence, en l’assaisonnant à son goût de pédophile. Assurément, ce docteur es amours libertaires, dont l’aura d’écrivain célèbre ajoutait du prestige, et qui s’autoproclamait être en avance sur son époque engluée dans une morale petite bourgeoise, savait que la meilleure manière de capter sa proie, c’était de faire croire à sa victime qu’elle était libre, et qu’elle entrait dans une relation amoureuse, hors norme et d’autant plus sublime, qu’elle y entrait de son plein gré !

    La parole de Springora est une catharsis. Après tant d’années de souffrance où son statut de victime était dénié (y compris par elle-même, puisque Matzneff, en manipulateur, savait culpabiliser ses victimes), Vanessa Springora publie son livre qu’elle qualifie, pour elle, de « réparation symbolique », et qui permettra aussi de décortiquer les mécanismes d’abus de pouvoir, utilisés par les pédophiles et tyrans.

    Mais, pour saisir les excès de la révolution sexuelle des années 70-90, qui ont conduit à des viols d’enfants (dans des sectes, entre autres), il faut d’abord la resituer dans le contexte de l’époque. Il faut se rappeler les discours qui enrobaient cette révolution sexuelle : discours sur la lutte contre les préjugés et les normes “bourgeoises” ainsi que sur la place de l’enfant et de l’adolescent. Faire sauter les carcans d’une société patriarcale, figée, sans égalité entre hommes et femmes, était le fondement de cette idéologie libertaire, qui promettait un avenir ouvert sur un monde plus juste, plus égalitaire, avenir labellisé sous les slogans « Peace and love » et « Il est interdit d’interdire ». L’interdit, connoté alors négativement, était perçu comme la marque d’un esprit borné, machiste, qui voulait confisquer le pouvoir. Rappelons qu’à cette époque, les femmes en avaient peu ! Le droit de vote, en Suisse, pour les femmes, date de 1971 (en France, de 1944). Dépendantes économiquement du mari, les femmes, pour postuler pour un travail, devaient obtenir l’accord du mari et étaient souvent réduites à n’être que « des potiches ou des bonniches » (je paraphrase le titre de l’ouvrage de Claude Alzon, « La femme potiche & la femme bonniche. Pouvoir bourgeois et pouvoir mâle », publié en 1977). Le mouvement de libération des femmes (MLF, né vers 68), avait le vent en poupe et disposait d’une édition prolixe de livres dans lesquels était défendue la revendication des femmes de disposer de leur corps (droit à l’avortement, à la contraception).

    Dans le sillage de cette révolution sexuelle, s’est développé tout un discours sur l’enfant, l’adolescent dont la liberté et la libido devaient également être respectées. Un Daniel Cohn-Bendit, avec ses doctrines qui nous paraissent aujourd’hui hallucinantes, publiait en 1975, un livre sur la sexualité des enfants de 1 à 6 enfants (dans les crèches), dans lequel il banalisait les caresses à connotation sexuelle entre enfants et éducateurs (sa première activité professionnelle). En 1982, à Apostrophes, il reparle de ces jeux érotiques avec de jeunes enfants, “jeux” qu’il qualifie de « fantastiques ». Ces propos délirants n’ont alors déclenché aucune foudre médiatique. Ce n’est qu’en 2001 que les propos de Daniel Cohn-Bendit, repris en Allemagne, en France et au Royaume-Uni (alors qu’il est député européen depuis 1994, réélu en 1999) susciteront un émoi. Ces attaques pourtant n’ébranleront guère Dany le Rouge qui expliquera qu’il n’y avait jamais eu de caresses entre des enfants et lui-même, et qu’il n’avait tenu ces propos que par pure provocation ! Les accusations de pédophilie à son encontre ne déboucheront sur aucune enquête ou poursuite et n’auront aucune incidence sur sa carrière politique. Il sera réélu brillamment aux élections européennes de 2009 et coprésidera le groupe des Verts/Alliance libre européenne au Parlement européen de 2002 à 2014. Cet exemple montre combien la liberté (dans les années 70-90) était l’étendard brandi sans aucune limite, si ce n’est la liberté de l’autre !

    La grande question de l’époque (nourrie par Michel Foucault) sur la nature de la répression et le fondement des interdits se focalisait alors sur les normes (sexualité, mariage, amour, prison, institution...).

    Avec le rejet de tous les tabous, l’enfance devient aussi le lieu de questionnement. Quelle éducation ? Ne faut-il pas libérer l’enfant du pouvoir oppressif des adultes (parents, enseignants, prêtres, pasteurs, éducateurs) ? Rousseau et Piaget sont alors souvent conviés (en déformant leurs théories) pour dénoncer l’acte éducatif aliénant et inopérant, puisque l’enfant doit apprendre, par lui-même, en faisant ses propres expériences.

    Les travaux de Dolto, qui ont révélé l’importance d’écouter les enfants et de leur parler, sont aussi instrumentalisés pour plaider des rapports égalitaires ou de réciprocité entre enfants et adultes. Beaucoup trouvent alors juste que l’adulte dise toute la vérité à l’enfant, oubliant que l’enfant est un être fragile, en formation, et qui doit être protégé par l’adulte.

    Evidemment, ce discours de libération et de transgression a été une aubaine pour des pervers qui vont en profiter, pour assouvir leur besoin de domination et de violences sexuelles sur des enfants. Matzneff dont on réalise aujourd’hui, avec stupeur, que ce prédateur sexuel a pu se livrer à ses déviances, en toute impunité, sans jamais être poursuivi par la justice, alors même que ses pratiques sexuelles (racontées en détail dans ses écrits - publiés dans la plus grande Maison d’édition, Gallimard - ou sur les plateaux de télévision) constituent des délits qui tombent sous le coup du Code pénal.

    Je me souviens avoir entendu Matzneff à Apostrophes, émission phare de ma jeunesse, où entre amis, nous poursuivions longuement et avec fébrilité, une fois l’écran éteint, nos discussions. Je ne sais plus si j’ai été choquée par Matzneff. Mais je me souviens que je lui trouvais un air de dandy déplaisant.

    J’ai tout de même un de ses livres dans ma bibliothèque que je suis allé rechercher. Première surprise, je n’ai pas lu ce livre (ni date ni annotation dans le livre !). M’est-il tombé des mains, aussitôt saisi ? J’ai ouvert, hier, au hasard ce livre. Voici le passage sur lequel je suis tombée :

    « Nuit du dimanche 24 au lundi 25. Marie-Laurence n’est pas faite pour le bonheur, elle fourre du drame partout, est incapable de s’abandonner à ce qu’il y a d’heureux dans ce que nous vivons, Marie-Elisabeth, elle et moi. Mercredi, après le simulacre de procès, puis samedi, j’ai eu droit à de pénibles scènes “d’explications” entre mes deux amantes. Cela se passait chez moi, j’étais présent, mais j’avais le sentiment très vif d’être exclu de la dispute, de n’être qu’une potiche » (« Mes amours décomposés. Journal 1983-1984 », Paris, Gallimard, 1990, p. 81).

    Ces quelques phrases révèlent l’égocentrisme de ce manipulateur terrifiant, insensible à la souffrance qu’il peut générer. Lui, il est fait pour le bonheur ! Mais, ces “amantes”, qui se plaignent, ne font que « fourrer du drame partout ». Elles sont incapables, elles, d’accéder au bonheur et pire avec leurs « pénibles scènes », elles le réifient, le transforment en « potiche » ! Bref, un parfait tyran qui parvient à enfermer ses proies en les culpabilisant et en retournant la situation à son avantage. Ce n’est pas lui qui fait de ces jeunes filles ses objets, mais c’est lui qui est réifié, et qui se lamente d’être leur victime ! On comprend combien il a dû être difficile pour Vanessa Springora de sortir des griffes de ce prédateur.

    Il est bien sûr déroutant de prendre conscience qu’on a pu manquer de lucidité au point de fermer les yeux sur de tels agissements délictueux. Mais, cela montre aussi que chacun vit dans son époque et fait corps, plus ou moins (les lucides et courageux plutôt moins) aux idées de son temps.

    Faire un procès à toute une génération est un oreiller de paresse. A cet égard, je m’indigne des attaques et insultes lâches (car anonymes) lancées contre Bernard Pivot. Son émission « Apostrophes », exceptionnelle, était suivie par des millions de téléspectateurs, tant ce journaliste avait du brio pour diriger les débats. Or, les indignations, qui s’érigent aujourd’hui contre Matzneff, étaient à cette époque muettes ! On peut certes louer Denise Bombardier qui a eu le courage et la lucidité d’être une voix discordante de son époque. S’indigner aujourd’hui n’est pas un acte de courage, car il est facile, pour la nouvelle génération, de suivre l’air du temps et de jouer les donneurs de leçons en affirmant que « le choc des époques n’existe pas », que ce n’est que du bluff pour trouver des excuses et ne pas voir l’insoutenable afin de maintenir la culture du viol. C’est l’opinion d’Eglantine Jamet, dans « Le grand bluff du choc des époques » (in, Le Temps du 07.01.2020), qui conclut son billet par une morale gentille, mais un peu courte: « Il serait temps de regarder la réalité en face, d’assumer ses responsabilités et, surtout, surtout, d’éduquer autrement. »

    Ce ton moralisateur peut aussi être ravageur et générer du fanatisme avec son lot de victimes. Tant l’attentat contre Charlie Hebdo que la suppression de dessin dans le New York Times ont été décidés au nom d’une morale (pas la mienne !).

    La liberté sexuelle n’était pas une idéologie claquemurée dans le milieu intellectuel.

    Il est également faux, à mon avis, d’écrire : « Oui, il a existé un petit milieu artistico-littéraire qui a soutenu ce genre d’idées, mais il n’était pas du tout représentatif » (Ibid.).

    Ces revendications de libération sexuelle se sont manifestées partout en Europe occidentale et aux Etats-Unis. Elles étaient, me semble-t-il (mais cela mériterait une recherche historique), portées plutôt par un anti-intellectualisme qui allait de pair avec le grand retour à la Nature ! La thérapie primale, développée en 1967, où l’on pratiquait le cri primal, pour surmonter ses névroses et vivre sa renaissance, était en vogue. La vie en communauté aussi où l’on remettait en question les valeurs “bourgeoises” et le modèle de vie familiale en rêvant de vivre à l’ancienne dans la nature avec chèvres et potagers. Dans certaines communautés, on prônait l’amour libre ou le libre cours à ses pulsions…

    Les utopies ne sont pas négatives. Elles peuvent permettre à une société de se réinventer pour répondre aux besoins de son époque. Aujourd’hui, on rêve à des modèles participatifs où les employés deviennent des collaborateurs. On veut créer des solidarités nouvelles, posséder moins tout en disposant de biens par un système de partage. Ces pistes sont évidemment intéressantes, mais elles peuvent également créer de nouvelles formes d’abus et d’exploitation.

    Toute utopie ou idéologie et « Le consentement » de Vanessa Springora nous le rappellera, peut basculer dans l’horreur s’il y a emprise, aveuglement, fanatisme et excès. Enfin, n’oublions pas que les violences et les dominations s’exercent d’autant mieux lorsqu’elles se font au nom d’une libération, d’une saine morale, d’une juste cause ou d’une foi éclairée…