Une justice de spectacle
Il y a 10 ans, à Genève, toutes sirènes hurlantes, la police genevoise avec un escadron de policiers arrêtait en pleine ville, l'après-midi, l'ex-directeur de la Banque cantonale genevoise (BCGe). Un promoteur genevois fut simultanément arrêté dans son bureau. Les deux furent jetés en prison pour une quinzaine de jours avec leurs noms à la une des journaux régionaux.
Dix ans se sont écoulés pour que le Tribunal de police rende enfin son jugement !!! Au final, les trois citoyens, poursuivis par le Ministère public, sortent entièrement blanchis : « Sur le plan pénal, aux yeux de la justice, ils ne sont donc en rien responsables de la débâcle, à la fin de 1999, de la BCGe qui a coûté plus de deux milliards de francs au contribuable » (Tribune de Genève, 11 et 12 février 2012).
Alors, la question que tout un chacun peut se poser est la suivante : est-il acceptable que, dans une République démocratique, la police puisse procéder à des arrestations aussi spectaculaires, dignes de mauvaises séries noires américaines ?
Une justice si bruyante, qui jette en pâture des hommes qui devraient pourtant, jusqu'à la fin du procès bénéficier de la présomption d'innocence et ne pas voir leurs noms souillés dans la presse, est-elle encore équitable ?
La justice ne sort, en tout cas, pas grandie de ce procès ! Elle a empilé une montagne de classeurs fédéraux, procédé à des milliers d'heures d'interrogatoire, placé pendant plus de dix ans une épée de Damoclès sur les prévenus (et leurs familles). Mais, finalement cette montagne n'aura pas même accouché d'une souris ! Ce n'était qu'une grossesse nerveuse qui permettait de trouver des coupables tout désignés (ou des boucs émissaires ?) à la débâcle de la BCGe !
Cette justice, qui se voulait exemplaire, qui annonçait le procès du siècle en oubliant les précautions d'usage : avoir des preuves pour arrêter, poursuivre et incarcérer quelqu'un, s'est disqualifiée !
Elle sort de ce procès, affaiblie. Combien de gens continueront à prétendre que les prévenus sont tout de même coupables, et ne tiendront donc nullement compte de sa décision ?
C'est donc toute l'institution judiciaire qui pâtit d'un procès pris en otage par des procureurs généraux qui ont voulu jouer au Rambo judiciaire au lieu d'exercer leur charge avec modestie, acuité et respect d'une justice qui devrait être indépendante et impartiale.
Quant aux dédommagements et frais de "justice", ce sera le contribuable genevois qui passera une fois de plus à la caisse !
Vive le franc fort !