Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ecole et guerre des chiffres

Monsieur Duval prend la peine de répondre, sur son blog, à mon précédent papier « Propos sur le temps d'école », en jouant le rôle de redresseur de vérité et d'objectivité.

A mon tour de prendre la dague pour pourfendre l'insolent.

 

 

Tout d'abord, je relève que j'ai clairement énoncé, dans mon billet, mes sources et critères de recherche, ce qui en prouve le sérieux et la justesse. Quiconque le voudrait peut vérifier mes données.

Le projet d'introduire le mercredi matin d'école concernait initialement tous les degrés du primaire. C'est parce que la commission de l'enseignement du Grand Conseil n'a pas voulu entrer en matière sur une augmentation d'horaire scolaire au cycle élémentaire (de la 1E à 2P) que M. Beer a limité son projet au 2ème cycle, soit de la 3P à la 6P. Ceci précisé, il n'y a aucune raison de ne pas compter, dans des comparaisons d'horaires scolaires au primaire, les horaires de tous les degrés de l'école primaire, soit de la 1E à la 6P. Si Genève donne plus d'enseignement dans les premiers degrés que la plupart des autres cantons, il est cohérent, dans des comparaisons, d'en tenir compte.

Monsieur Duval critique aussi le fait que je n'ai pas déduit de l'horaire scolaire le temps des récréations. Comparer des horaires scolaires en déduisant les minutes de récréations est, je le réaffirme ici, de la petite épicerie. Ce qui compte, c'est la durée d'une journée d'école durant laquelle un enfant est présent dans un établissement scolaire. La récréation n'est pas un temps mort !!! Durant les récréations, les jeux entre élèves ont un impact considérable sur le développement social, linguistique et intellectuel de l'enfant. En arrivera-t-on à s'enfermer dans des calculs insensés, comme à calculer, par exemple, le nombre de minutes ou de secondes d'enseignement "perdues", lorsque des élèves, à la fin des récréations, doivent rejoindre leur classe au 2ème étage d'un établissement, au lieu de se pencher sur le système éducatif et de juger du choix de la philosophie éducative privilégiée dans nos politiques scolaires.

Ces calculs et statistiques, qui envahissent l'école, montrent bien que l'école fait partie de son époque, aujourd'hui captée par des "experts" qui surfent sur une logique de management où les chiffres écartent toute réflexion et tout débat. Facile dès lors, surtout dans le monde de l'éducation, pour des décideurs politiques, d'annoncer des réformes sans avoir à questionner les défis que l'école devrait relever (et qui ne manquent pas !) ni les valeurs humaines ou institutionnelles à défendre. Or, ne l'oublions pas, comme le rappelait le regretté philosophe Olivier Reboul : « l'éducation est toujours affaire de valeurs ».

Cette dimension-là semble complètement échapper à Monsieur Duval, qui adopte, dans sa réplique, une attitude d'une naïveté confondante. En me reprochant de ne pas avoir des tableaux qui correspondent à ceux établis par le SRED (Service de la Recherche en Education), il conclut : « à moins de remettre en cause l'honnêteté de ce Service, il n'y a aucune raison de douter des chiffres qui sont annoncés ». Monsieur Duval n'éprouve, par contre, aucune difficulté à remettre en question mes chiffres dont j'ai donné les sources, lesquels peuvent donc aisément être vérifiés !

Au lieu de faire allégeance à un Service de recherche qui dépend d'un Conseiller d'Etat, qui entend s'en servir, Monsieur Duval devrait être plus diligent et avoir à l'esprit qu'il est non seulement facile pour des instances du pouvoir de manipuler des chiffres (en sélectionnant les "bons" critères ou en en négligeant d'autres, en fonction des objectifs qu'il se donne), mais également de faire dire aux chiffres ce que l'on veut entendre !

Même dans le Service que M. Duval cite, les "chercheurs" (je mets ce mot entre guillemets, car beaucoup déplorent, dans ce Service précisément, de ne plus pouvoir entreprendre de vraies recherches) savent bien que l'horaire des écoliers genevois, au primaire, n'est pas en déficit par rapport aux horaires des autres cantons.

Il faut donc cesser de se laisser berner et demander plutôt à Monsieur Beer de nous expliquer, même s'il présente son affirmation comme étant un « fait indiscutable » (in, Tribune de Genève, 19 avril 2011) comment « les jeunes Valaisans consacrent 350 heures de plus au français » alors même que l'horaire scolaire de l'écolier valaisan n'est pas, au primaire, plus chargé que celui de Genève.

Quant à la dernière assertion de M. Duval (soulignée et en rouge !) qui est que :  « TOUS les cantons romands prévoient d'augmenter encore leur horaire scolaire », elle est fausse. Au lieu de se faire l'écho de M. Beer, M. Duval aurait dû vérifier l'exactitude de cette affirmation. Pour le Valais en tout cas (pour les autres cantons, je n'ai pas vérifié), le chef du département de l'instruction publique va diminuer l'horaire des écoliers primaires de deux périodes par semaine, soit de 90 minutes. Cette diminution s'inscrit dans une politique de revalorisation du statut de l'enseignant. Car, en Valais, si l'élève, au primaire, n'a pas un horaire scolaire plus chargé que l'écolier genevois, l'enseignant du primaire a, lui, un taux d'activité plus élevé que ses collègues d'autres cantons. Il doit, en effet, non seulement participer au cours de catéchisme (même lorsque des heures sont données par un prêtre), mais il est également tenu à assumer partiellement cet enseignement.

Cette attitude sereine du Valais envers son école montre que les cantons peuvent respecter les accords d'HarmoS sans allonger le temps scolaire au primaire, qui est déjà, en Suisse, parmi les horaires les plus chargés d'Europe !

 

Annexe :

Pour celui qui se passionne sur le sujet, qui voudrait vérifier mes chiffres sans parvenir à atteindre mes données sur les sites officiels, je place, ci-dessous, ces horaires.

Rappel : à Genève, l'horaire pour tous les degrés est le matin de 08h à 11h 30 et l'après-midi de 13h 30 à 16h. (avec un temps d'accueil jusqu'en 1P (Cf. mon précédent billet)

En Valais, en 2010-11, il y a 4½ jours de congés que n'a pas Genève et 1 à Genève que le Valais n'a pas (donc 3½ jours de plus pour le Valais) les horaires utilisés sont ceux de la Commune de Bagnes.

 

horaire bagnes.jpg

 

Quant au canton de Vaud, il bénéficie en 2010-2011 de 4½ jours de congés de plus que Genève (ce qui correspond à une semaine en moins d'école !)

 

horaire VD.jpg

 

 

 

Les commentaires sont fermés.