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Langue et usages - Page 5

  • Liberté d’importuner ou liberté de draguer ?

    Les propos de Christine Bard, recueillis par Faustine Vincent, (in Le Monde) et publiés aujourd’hui dans Le Temps sous le titre : « Une rhétorique antiféministe », sont édifiants, tant ils manquent d’une retenue qu’on pourrait attendre de la part d’une historienne.

    Dans cet article, Christine Bard, « historienne et spécialiste du féminisme », dénonce avec animosité la tribune d’un collectif de 100 femmes dont fait partie Catherine Deneuve, qui défend, en réaction au mouvement planétaire «#balancetonporc »,  la « liberté d’importuner ».

    Et bien, toute spécialiste du féminisme que soit Mme Bard, je qualifie sa rhétorique, à elle, de « rhétorique militante d’intimidation ».

    En effet, cette intellectuelle a l’outrecuidance de décrire son féminisme de « processus révolutionnaire en marche, fragile, mais qui change et changera nos sociétés de fond en comble ». Avec un ton outrancier, cette ardente militante de la cause du genre brandit l’étendard d’un monde neuf pour dénigrer ceux qui n’approuveraient pas le féminisme, « ce processus révolutionnaire en marche ».

    Ainsi, pour elle, les voix résistantes, qui peuvent même venir de femmes (« car il y a toujours eu des femmes antiféministes qui ont craint ces changements et estimé dangereuses les revendications féministes ») ne se rallieraient pas au mouvement « #MeToo » par crainte du changement ! Bref, ces voix contestataires seraient celles des pleutres !

    Un tel radicalisme me fait frémir, d’autant plus lorsqu’il est promu par une historienne. La tâche première de l’historien n’est-elle pas de faire entendre des voix oubliées ou minoritaires pour restituer la complexité de toute théorie et opinion ?

    Or, plus grave encore, Christine Bard, dans un style de propagande dont l’histoire a connu ses heures obscures, manipule le récit du féminisme. En effet, retraçant trois vagues historiques du féminisme, cette experte se garde bien de citer l’engagement de Catherine Deneuve dans ce qu’elle décrit comme la deuxième vague du féminisme, celle « des années 1968 à la fin du XXe siècle, (qui) a mis la sexualité et le droit de disposer de son corps au cœur de son combat ».

    Oser traiter Catherine Deneuve et la tribune de ce collectif d’antiféministes, en occultant que l’actrice a eu le courage d’être l’une des signataires du manifeste des 343, est une imposture intellectuelle. Pour rappel, le « manifeste 343 », publié dans le Nouvel Observateur en 1971, fut signé par 343 Françaises qui déclaraient s’être fait avorter.

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    Or, à cette époque, l’avortement en France était illégal et les contrevenantes s’exposaient à des poursuites pénales, qui pouvaient aller jusqu’à l’emprisonnement. Catherine Deneuve fait ainsi partie de ces femmes courageuses, qui furent injuriées, appelées même « les 343 salopes » ! Elle a pris des risques pour dépénaliser l’avortement en France et permettre aux femmes de disposer de leur corps. Par ailleurs, sa vie, si libre, montre que, pour cette femme, le respect mutuel et l’égalité des sexes ne sont pas un verbiage creux.

    Le ton de moralisatrice qu’adopte Christine Bard, qui prétend « construire un nouveau monde », est insoutenable. Cette logorrhée qui veut purifier nos existences, outre qu’elle pollue nos existences, est mortifère. L’histoire ne nous donne-t-elle aucune leçon ? N’avons-nous plus aucune mémoire des régimes totalitaires (de gauche ou de droite) : nazisme, stalinisme, maccarthysme, Khmers rouges… qui avaient tous pour ambition de purifier la Société ? Apparemment, cette historienne, trop enfermée dans son militantisme, oublie de faire de l’histoire.

    Où nous mènera cette moralisation obsédante ? Faudra-t-il, après avoir ôté la cigarette de Lucky Luke, détruire les peintures dans lesquelles la femme alanguie, évoque des poses séductrices (Rubens et les autres), interdire les films qui donnent une mauvaise image de la femme (Belle de jour, Portier de nuit et bien des Hitchcock …). Bref, pour moi, pas de doute, entre une intellectuelle qui nous expose une pensée bien convenue, marquée par notre époque puritaine et moralisatrice et une Catherine Deneuve qui ose déplaire, je choisis celle qui défend la liberté.

    Néanmoins, je n’aime pas l’expression « la liberté d’importuner ». Dans une société civilisée, la courtoisie devrait régler nos conduites et nous retenir d’importuner.

    J’aurais préféré que cette tribune des 100 femmes défende, pour tous,  « la liberté de draguer ! »

     

     

     

     

  • Harcèlement collectif

    A Genève, mais il semble que ce phénomène enfle partout en Europe, on n’ose plus se souhaiter un « Joyeux Noël ». Je ne parle pas des vœux des administrations publiques ni même de ceux des commerçants, mais des échanges entre voisins, amis et connaissances. La formule qui s’est imposée, c’est le « bonne(s) fête(s) », abstraite, floue dont on ne sait si elle est au singulier ou au pluriel. Ce flou permet peut-être d’inclure le Nouvel An, mais annihile à coup sûr Noël.

    Cette autocensure est affligeante. Cette peur de ne pas heurter l’Autre (le non chrétien) est gravissime et génératrice de violence. En effet, la laïcité n’est pas la persécution du religieux et encore moins la destruction de nos racines. Or, la Suisse et l’Europe ont des racines chrétiennes. Vouloir les extirper entraînera le retour du refoulé avec la violence de celui qui a été dépossédé de son identité, arraché de sa culture et contraint de se soumettre aux tyrannies des “bien-pensants” qui exercent leurs censures et dogmatisme en nous dictant de nouveaux codes langagiers.

    Il n’y a en effet plus un jour sans que l’on nous ôte notre liberté d’expression et nous harcèle avec une novlangue qui censure certains mots et expressions de la langue française. Par exemple, nous ne pourrions plus utiliser la belle et noble expression des “Droits de l’Homme”, mais celle des “droits humains”. Or, cette dernière s’oppose, en fait, aux droits bestiaux et rabaisse l’homme dont le statut devient comparable à celui des bêtes. Même insulte avec le langage épicène et l’écriture inclusive sur lesquels j’ai déjà écrit plusieurs billets !

    Ces coercitions et moralisation de notre société polluent nos existences. Avec Noël, on débouche sur des contorsions ahurissantes. Noël reste, publiquement, autorisé, pour autant qu’il ne soit plus nommé. Car, évidemment, on ne veut pas l’interdire puisqu’il permet, pour les marchands, de réaliser de beaux chiffres d’affaires. Il s’agit donc de maintenir cet événement, mais en le dépouillant de ses “oripeaux” religieux pour que ne reste que l’aspect commercial : les cadeaux, la dinde, le Père Noël[1] et surtout le sapin.

    Le sapin deviendrait même la quintessence de Noël d’après Alain Bouquet, directeur général de l’enseignement obligatoire dans le canton de Vaud. Ce dernier aurait en effet interdit, dans les écoles vaudoises, toute crèche (« car c’est indéniablement un objet symbolique religieux par la présence de l’enfant Jésus »), mais admis le sapin, car : « C’est un vrai symbole laïque, qui fait figure d’emblème neutre de la nativité » (cité par Patrice Favre, in Echo Magazine du 21 décembre 2017 et sur le Portail catholique suisse).

    Mais, que signifie ce geste si ce n’est une volonté d’acculturer nos jeunes, de les couper de leurs racines pour les rendre amnésiques et niais (et plus malléables !). Viendra peut-être un jour, pas si lointain, où un jeune, passant devant le Christ en croix, s’exclamera : « mais, c’est qui ce mec-là ? ». Or, comme le rappelle René Girard, ce ne sont pas les différences qui génèrent la violence, mais, l’annulation des singularités, qui favorise le désir mimétique. Gommer nos différences pour imposer un univers “propre”, hygiéniste, sans aspérité où règne l’indifférenciation générale avec des rituels imposés à tous, dépouillés de tout sens, c’est favoriser le fanatisme.

    Faire croître des êtres hors sol culturel en ne leur léguant pas les héritages de leurs ancêtres ou du lieu dans lequel ils vivent, c’est fabriquer un monde infantile à la Walt Disney. Or, rien de plus dangereux que cette violence du calme qui, lorsqu’elle éclate, n’a plus de limite !

    A suivre le directeur général de l’enseignement obligatoire dans le canton de Vaud, les écoliers pourront continuer, pour “le vivre ensemble” (selon l’expression chérie de la gauche), à parer le sapin, le couvrir de guirlandes et l’illuminer de bougies, mais sans mentionner que cette illumination symbolise la naissance de l’Enfant-Jésus venu sur terre pour apporter la paix et l’amour. Ils seront autorisés et même encouragés à chanter « Mon beau sapin, roi des forêts », mais interdits de chanter « Il est né le divin enfant… ». Bref, l’appel du directeur général de l’enseignement obligatoire dans le canton de Vaud n’est rien de moins qu’une incitation à devenir idolâtre en vouant un culte au sapin !

    Quelle régression pour notre société !

    Alors tant pis, je serai insolente, mais permettez-moi de vous souhaiter à tous un :

                                                             « Joyeux Noël » !

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    [1] ** Encore que, au nom de l’égalité des sexes, la survivance du Père Noël risque aussi d’être remise en cause. A moins que, par alternance, il puisse y avoir une Mère Noël !

     

     

  • Si toutes les “garses” du monde francophone marchaient la main dans la main…

    L’Académie française a raison de clamer son hostilité envers la langue dite épicène et l’écriture inclusive. Vouloir plier la langue pour défendre une cause politique (fût-elle la meilleure !) est une imposture. Certes, la langue n’est pas immuable. Elle subit des mutations : des mots deviennent désuets, changent de définitions et peuvent être évincés du dictionnaire pour faire place à d’autres mots qui s’immiscent dans nos habitudes langagières ou sont créés pour désigner de nouvelles réalités (scientifiques, techniques, artistiques…).

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