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Langue et usages - Page 4

  • Je ne sais plus où donner de la plume

    Laisser trop longtemps sa plume dans son étui n’est pas salutaire. Elle tressaille, tressaute et s’irrite d’avoir été mise au rancart.

    Encore engourdie, elle s’offusque d’avoir été délaissée et veut reprendre du service, car elle prétend avoir des “choses” à dire ou plutôt à écrire…

    Je voudrais la retenir, mais impossible, car je lui ai cloué le bec depuis trop longtemps et elle me fait sa crise.

    Bon, sentant qu’elle me glisse entre les doigts, je la laisse s’ébrouer, sachant d’avance qu’elle va exagérer et saisir, en affamée, une grappe pléthorique de sujets.

    Mais, quitte à perdre des plumes, il me faut bien autoriser ma plume à se dissiper, à s’égarer, à tracer peut-être même des “bibelots d’inanité sonore” pour pouvoir, peut-être, retrouver une voix. Reste que je ne sais plus vraiment où donner de la plume. Tant de sujets ! Alors, pas tout à fait par hasard, je choisis trois sujets qui ont défrayé ces temps les médias.

     

    1. Tout d’abord, cette proposition de deux professeurs belges (une vraie blague belge, puisque ce ne peut être un poisson d’avril !) de supprimer l’accord du participe passé au féminin. Ces professeurs n’auraient-ils pas passé de trop longues vacances d’été et éprouvé le besoin, à la rentrée scolaire, de créer un buzz pour exister à nouveau ? En tout cas, certains ont mordu à l’hameçon et se sont mis à gémir sur les difficultés de la langue française en plaidant qu’il faut la changer. On subit déjà, depuis quelques années, les oukases de ceux qui, confondant le genre des mots et le sexe, veulent imposer un langage dit “épicène” si lourdingue qu’on ne parvient plus à débattre de quoi que ce soit sans avoir un redresseur du langage qui censure nos propos au nom de la défense de la cause des femmes. Et, étrangement, ce sont ces mêmes “épicéniens” et ”épicéniennes” qui, offusqués par la complexité de la langue française (qui nuirait à la communication et au “vivre ensemble”) seraient prêts à faire passer à la trappe l’accord féminin du participe passé avec l’auxiliaire avoir ! Heureusement, comme je l’ai déjà écrit dans un billet, « la langue a une vie propre à laquelle on ne peut rien. »

     

    1. L’autre sujet qui m’a fait bondir, c’est cette idée folle qui a saisi le parlement de Neuchâtel, qui a décidé de débaptiser le nom d’une place (l’Espace Agassiz) pour le remplacer par le nom de la première Neuchâteloise élue au Conseil national. Sur ce sujet, lire l’excellent article de Julien Sansonnens (in, Le Temps). 

      Pourquoi, ce changement de toponymie ? Parce que le parlement neuchâtelois a trouvé que M. Agassiz, grand savant du XIXe siècle d’une réputation mondiale, avait émis des propos racistes. Faut-il rappeler que la XIXe siècle (siècle de la science !) s’est passionné pour la phrénologie qui prétendait, avec l’étude de la forme du crâne, pouvoir déceler le caractère d’un être humain (son intelligence, ses dons, etc.) et hiérarchiser les races humaines. Avec nos critères actuels, tout le XIXe siècle serait donc raciste ! Il est donc absurde de s’emparer du passé pour faire triompher ses propres idéologies. L’histoire ne doit pas servir à censurer nos prédécesseurs, mais nous permettre de mieux comprendre notre époque. Se porter en justicier du passé est une lâcheté pour n’avoir pas à penser les problèmes actuels. Cette négation de l’histoire aura des effets boomerangs ravageurs avec des chasses aux “impurs” sans fin. Débaptisera-t-on un jour le collège André-Chavanne sous prétexte que ce conseiller d’Etat était un “trop” bon vivant qui aimait beaucoup boire et… 

    1. Le troisième sujet que je voulais aborder, c’est l’affaire Maudet. Cependant, les salves tirées avec une délectation par des prédateurs et des chacals qui jouissent de voir ce brillant politicien pris les doigts dans le pot de confiture, m’indignent. La faute commise mérite-t-elle que ce conseiller d’Etat y laisse tant de plumes ? Ce sera à la justice de faire son travail en toute indépendance.

     

     

  • Quand le sexe enterre la politique

    Le Conseil municipal en Ville de Genève élit chaque année son bureau dont trois membres qui assument respectivement : la présidence, la première et la deuxième vice-présidence. À la session du 5 et 6 juin dernier, ce délibératif a accepté majoritairement le projet de délibération « Égalité au Conseil municipal, pour une présidence obligatoirement mixte » (PRD-160). Ce PRD de l’Alternative (plus une signature PDC !) a été soutenu et défendu par la conseillère municipale, Albane Schlechten.

    Avec une mixité obligatoire de la présidence, ce PRD instaure, au sein d’un parlement, une ségrégation fondée sur le genre. Avec une rhétorique remplie de bons sentiments, on a argué qu’imposer la mixité permettrait « d’amorcer des changements sociétaux concrets », et de jouer sur les représentations en donnant aux jeunes femmes des figures d’identification positives. L’adjectif le plus employé dans cette “plaidoirie” a été : « progressiste » ! Il faut être progressiste ! Évidemment, une fois que l’on revendique être dans du progressif, il n’y a plus rien à prouver ni même à répliquer. Émettre quoique ce soit comme réserve ou critique revient à être, irrévocablement, claquemuré dans le camp des conservateurs et des demeurés qui se complaisent dans leur immobilisme. On peut toutefois rester sceptique, face à ce progressisme…

    Chaque époque a ses miroirs aux alouettes. Les femmes, dans les années 70, croyaient se libérer en ôtant leurs soutiens-gorge. Aujourd’hui, la gauche imagine qu’en massacrant la langue (avec son langage épicène !) ou en imposant des quotas, on améliore la condition féminine. Par ailleurs, en portant l’étendard du progressisme, cette gauche croit naïvement que le monde est un fleuve tranquille, et que, inexorablement, la société se bonifie. Or, l’histoire nous offre bien des récits remplis de soubresauts, de crises, de régressions et même d’anéantissements de civilisations. Imaginer que la répression, l’interdiction et la prescription puisse marginaliser davantage les femmes ne semble pas effleurer les esprits de ces militants qui ne peuvent pas s’offrir le luxe du doute.

    Pour revenir à ce PRD, un conseiller municipal s’est interrogé sur les individus qui ne veulent être identifiés ni au genre masculin ni au genre féminin. Que faire dans ce cas-là ? Pour les adeptes de cette mixité imposée, pas de problème ! Car, si des règles et l’imposition de la mixité « agissent comme un accélérateur des changements sociétaux », il faut avancer « par petits pas » (sic !), et « que, pour l’instant, c’est une mixité binaire qui est réclamée par ce projet de délibération, ce qui n’exclut pas qu’à l’avenir, une mixité avec un sens plus large soit défendue au sein du Conseil municipal » (p. 4, in, Rapport PRD-160).

    À dire vrai, ce PRD, outre son aspect sexiste, porte atteinte aux droits politiques et à la liberté de vote. En effet, séparer des candidats en prenant le critère de sexe viole la Constitution de la République et canton de Genève (Art.1 et 15 alinéas 1 et 2). D’ailleurs, aucun organe législatif en Suisse n’a dans son règlement une quelconque disposition pour imposer une mixité des genres. À cet égard, au National, des commissions du Conseil des États et du Conseil national ont refusé récemment un texte visant à instaurer des quotas de genre.

    Ce nouveau règlement, ne met-il donc pas en danger notre démocratie ? En effet, où va s’arrêter cette velléité de sélectionner des candidats à une charge politique avec des critères qui n’ont plus rien à voir avec la politique ? Va-t-on légiférer sur la représentativité des candidats en introduisant des critères comme : l’âge ; le domicile sur la Rive Gauche ou Rive Droite, les indépendants et salariés, l’orientation sexuelle ou encore les porteurs de lunettes et ceux qui n’en ont pas (après tout, on ne voit peut-être pas le monde de la même manière derrière des verres !).

    Par ailleurs, ce projet, qui prétend quitter les stéréotypes, proposer une solution pragmatique, et qui nous invite à être “audacieu-se-x-s” (style épicène !), est mauvais, car il s’inspire de postulats pervers :

    - il postule que les femmes sont un tout homogène, déterminé biologiquement par leur Nature. Ce serait ainsi moins leur engagement politique au sein d’un parti qui orienterait leurs actions qu’une certaine manière de faire de la politique propre à leur sexe ;

    - il enterre la raison politique. Mme Schlechten croit-elle vraiment pouvoir mieux s’identifier à une conseillère municipale femme PLR qu’avec son camarade socialiste, Ulrich Jotterand, assis à côté d’elle ;

    - il accrédite l’idée que la femme serait le “sexe faible”, qui doit être aidé par des lois et des règlements pour accéder à des fonctions supérieures ou de représentation.

    En outre, ce projet pose un problème. Le champ d’application de ce règlement ne porte pas sur le mode de désignation au sein des partis. Dans quelle mesure cette règle de ségrégation peut-elle être imposée à d’autres partis ? Un parti peut avoir ses propres règles à l’interne. Le parti socialiste défend, par exemple, la parité (pas toujours respectée !) entre hommes et femmes pour ses candidats à des élections. Le parti libéral-radical n’autorise pas le double mandat. Le parti Laliste-Femmes 2018 au Grand Conseil n’acceptait que des femmes (on n’ose imaginer le tollé si une liste n’avait inscrit que des hommes !).

    Ironiquement, il faut enfin relever que ce PRD n’a aucune pertinence vu que la présidence a presque toujours été mixte, à quelques exceptions près. Parfois composée uniquement de conseillers municipaux, elle a aussi été entièrement féminine. Quant à cette année, le bureau et la présidence sont composés de 6 femmes pour un homme. C’est dire !

    Assurément, pour cette gauche moralisatrice, toujours prête à donner des leçons, et qui affectionne de réguler toujours plus nos vies, il faut dire et marteler que cette surenchère de lois et de règles nous pourrit la vie !

    Cela étant, il faut espérer que la surveillance des communes abroge ce projet de délibération (PRD-160) contraire au droit supérieur.

     

     

     

     

     

     

  • Ça fait du bien d’admirer !

    C’est en ces termes que le philosophe André Comte-Sponville, sur un plateau d’une émission de la chaîne ARTE, commentait l’hommage national français, rendu cette semaine au Colonel Arnaud Beltrame.

    Les centaines de personnes qui ont assisté à cette cérémonie (et ceux qui l’ont vue sur leur poste de télévision) donnent raison au philosophe : « ça fait du bien d’admirer ! »

    Ce ne sont pas les meurtres jihadistes, commis par un petit délinquant radicalisé, qui resteront dans l’Histoire, mais l’acte héroïque du Colonel Beltrame, qui redonne à la France une grandeur. En effet, il faut des héros pour qu’un pays soit grand !

    Et, cela, on semble l’avoir oublié. Notre époque a tellement versé dans un relativisme total qui affirme que toutes les opinions se valent, qu’elle a généré le refus de toute hiérarchisation.

    Dans cette idéologie désenchantée, tout se vaut ! Il n’y a ni vérité, ni héros, ni faute. Tout est permis, puisque rien n’est interdit ! Les personnes deviennent interchangeables et sont toutes méprisables. C’est pourquoi l’on entend souvent, surtout en parlant de politiciens, ce lieu commun : « tous des pourris » !

    Ce scepticisme généralisé s’est développé insidieusement depuis des dizaines d’années. Dans l’éducation, par exemple, il paraissait coupable d’enchanter les jeunes têtes.

    Les récits héroïques et les légendes ont été écartés des bibliothèques scolaires et sans doute aussi des bibliothèques familiales, accusés d’être des récits trop irréels, trop idéalistes, trop exaltés, trop littéraires...

    Préférant donner aux enfants des textes inspirés de leur quotidien (pour leur permettre de surmonter leurs difficultés), on a écarté les ouvrages qui exaltent de nobles sentiments pour abreuver les enfants de livres “réalistes” du genre : « Max et Lili » (Max et Lili décident de mieux manger, Lili ne veut pas se coucher, La maison de Max et Lili a été cambriolée, Max ne veut pas se laver, etc.). Ces livres donnent peut-être aux enfants des “tuyaux” pour résoudre leurs problèmes, mais ils n’ont pas la valeur catharsis des récits épiques, des contes, des légendes, des grands « Textes fondateurs » et de la poésie où l’enfant, transporté dans un monde imaginaire et lyrique, peut sublimer le réel, prendre un peu de hauteur et trouver confiance en lui-même en s’identifiant à un personnage héroïque.

    Le geste du Colonel Beltrame nous rappelle combien l’admiration est un sentiment noble, et qu’il s’agit de le cultiver auprès de la jeunesse. A cet égard, je me souviens d’une anecdote vécue il y a bien des années. Alors que je confiais à une collègue l’admiration que j’avais pour mon directeur de thèse, le professeur Daniel Hameline (pour ceux qui ne connaîtraient pas ce philosophe, je dirais qu’il alliait une rigueur intellectuelle et un talent d’orateur qui lui permettaient de provoquer la pensée et de sortir, même les plus endormis, de leur sommeil dogmatique !), cette collègue me répondit sur un ton méprisant et avec fierté : « moi, je n’admire personne !» Son ton cassant ne laissait planer aucun doute. Pour elle, en admirant quelqu’un, j’étais aliénée, alors qu’elle, revendiquant de n’admirer personne (ni même une œuvre) se croyait émancipée et libre !

    Avoir fait tomber les héros de leurs stèles et dans le même temps n’avoir présenté aux jeunes qu’un avenir bouché en leur peignant un monde apocalyptique (pollution, déchets, morts des océans, disparition des glaciers, couche d’ozone, etc.) ont développé une quantité de haine et une fragilité qui favorisent l’embrigadement de paumés dans le radicalisme jihadiste.

    Il est temps de rappeler combien nous avons besoin de vrais héros (comme le Colonel Beltrame, qui a été prêt à penser que sa personne vaut moins que les Autres !) et combien « ça fait du bien d’admirer ! »

    En ce jour où les chrétiens célèbrent les fêtes de Pâques et commémorent la résurrection du Christ et où les Juifs célèbrent l’exode hors d’Egypte avec la Pâque juive (Pessa’h), c’est avec ce messages d’espoir, de renouveau et de liberté que je conclurai ce billet.

    Joyeuses Pâques et bonne fête de Pessa’h !