COVID-19 et mesures de l’Etat
La pandémie est un fléau si grave et si global qu’il est difficile de se prononcer sur le bien-fondé des mesures prises par notre gouvernement. La santé des Suisses est, et doit rester, la préoccupation première de nos conseillers fédéraux, d’autant plus qu’une population décimée ruinerait notre économie pour une durée indéterminée et peut-être même sans qu’elle puisse jamais se relever. Toute paupérisation, il faut le rappeler, entraîne son lot de tragédies humaines indescriptibles (inflation, augmentation du chômage, faillites, suicides, hausse des maladies, violence, insécurité, crimes…).
Néanmoins, on peut tout de même s’inquiéter de l’arrêt de pans entiers économiques, décrété d’une manière qui paraît un peu arbitraire.
Il est aussi paradoxal de voir comment, dans le monde, chaque gouvernement gère différemment cette crise. Dans certains pays, le port du masque est obligatoire dans l’espace public. Dans d’autres, la répression s’exerce sans relâche. En Inde, par exemple, (ce n’est pas le seul pays !), la police s’autorise à frapper les personnes se trouvant sur la voie publique. En Hongrie, le premier ministre s’est arrogé un pouvoir absolu, pour un temps indéterminé… En France, où le gouvernement raffole des démarches administratives et des contrôles, tout habitant doit remplir un formulaire pour sortir de chez lui. Ce dernier n’est d’ailleurs autorisé à quitter son domicile que sous conditions strictes et pour l’achat de produits de première nécessité. Cette notion de « première nécessité » laisse cependant place à des interprétations floues ! Des témoignages rapportent que des femmes ont été verbalisées pour être sorties s’acheter des protections hygiéniques, nullement considérées par les membres des forces de l’ordre comme des « produits de première nécessité ! »
Heureusement, en Suisse, notre gouvernement n’a pas édicté de telles mesures répressives, même si certaines décisions (les mesures de distance physique et pas plus de 5 personnes ensemble) s’appliquent à toute la nation. Il a fait appel au civisme, à la responsabilité individuelle et au patriotisme des citoyens. A cet égard, on peut être fier d’appartenir à cette vieille démocratie, où les citoyens sont prêts à faire des consensus pour favoriser l’économie nationale et la cohésion sociale. Dans quel autre pays, la population voterait-elle en refusant, par 67% des voix, deux semaines de vacances supplémentaires pour tous les salariés (initiative populaire votée en mars 2012) ?
Globalement, il semble donc que notre gouvernement a pris des décisions mesurées et judicieuses en misant davantage sur l’adhésion de la population plutôt qu’en usant d’un mode opératoire coercitif. Pourtant, on peut s’étonner qu’en Suisse (fédéralisme oblige !), il y ait tant de disparités d’ordonnances prises au sein des cantons.
A Genève, par exemple, tous les chantiers ont été fermés. Cette directive ne s’applique pas dans les autres cantons. En Valais, par exemple (également, dans le canton de Vaud et les cantons alémaniques), les petits chantiers et plus particulièrement les travaux de génie civil n’ont pas cessé. Les travaux d’assainissement des eaux, la réfection des chaussées n’auraient-ils pas pu continuer à Genève ? Avec des rues presque désertes, où le revêtement des chaussées n’aurait pas entrainé les bouchons habituels, ces travaux, qui nécessitent peu d’ouvriers (l’un sur la bétonnière, l’autre sur la chaussée) auraient pu être menés tout en respectant la distance sanitaire, imposée par nos autorités ?
S’il est toujours difficile de faire la part des choses dans une situation si complexe, ce confinement qui dure est tout de même inquiétant. Il pourrait mettre à terre tant d’indépendants et enrayer notre unité nationale. Certes, des solutions pour aider les PME sont effectives (à Genève, on peut particulièrement féliciter le conseiller d’Etat, Pierre Maudet, d’avoir proposer un accord entre les milieux immobiliers et l’Asloca pour exonérer les petites entreprises du paiement de le pt urs loyers pour avril).
Mais, de nombreux indépendants ne pourront revendiquer aucune aide, puisqu’aucune interdiction de poursuivre leur activité ne leur a été imposée. Les hôtels, par exemple, n’ont pas l’obligation de fermer. Néanmoins, les personnes ont massivement annulé leurs réservations, laissant ces hôteliers sans clientèle. Idem pour les chauffeurs de taxi, autorisés à continuer leur activité, mais qui voient une chute de leur chiffre d’affaire de plus de 80% ! Bref, tous nos artisans, indépendants (dentistes, physiothérapeutes, restaurateurs…), artistes (et ceux qui gravitent dans les milieux du spectacle : éclairagistes, costumières, producteurs…), les paysans et agriculteurs, les aides à domicile (la liste n’est pas exhaustive…) seront ceux qui paieront le plus lourd tribut à ce confinement.
Si durant cette crise, il faut rester solidaires et respecter les consignes sanitaires, je m’inquiète déjà, avec les messages reçus sur les réseaux sociaux, de certaines récupérations politiques. N’a-t-on pas récemment lu que le virus COVID-19 était lié au capitalisme (pourtant, la peste qui a ravagé au M-A près de la moitié de la population européenne ne connaissait pas le capitalisme !) ? Un chanteur slam sur YouTube dénonce les coupables de cette pandémie. Voici quelques-unes de ses paroles inquiétantes où il explique que, avec cette épidémie, c’est : « la nature qui fait sa loi en reprenant ses droits, se vengeant de notre arrogance et de notre mépris […] Et, est-ce un hasard si ce virus immonde n’attaque pas les plus jeunes, n’atteint pas les enfants ? Il s’en prend aux adultes responsables de ce monde. Il condamne nos dérives et épargne les innocents ».
Bref, à le suivre, les malades sont des coupables !
Au sortir de cette crise, outre la très grave crise économique que nous aurons à affronter, il faudra faire face à une nuée de petits moralisateurs (souvent des bobos peu touchés par ce confinement généralisé) qui seront un autre danger pour notre démocratie. Qu’on se le rappelle !