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  • Mort du DIP !

    Aujourd’hui, 31 mai 2018, dernier jour du Département de l’instruction publique (DIP) ! Anne Emery-Torracinta (en charge de ce département) a pris la résolution de débaptiser le DIP pour le renommer le DFJ (Département de la formation et de la jeunesse). Cette décision est vraiment malheureuse et m’a profondément heurtée.

    Peut-on, lorsqu’on est en charge de l’école, mettre à la poubelle une terminologie si familière et enracinée dans le paysage genevois au point qu’elle en est devenue un héritage langagier et culturel qui appartient à tous, et qu’il n’est pas tolérable de brader d’une manière si désinvolte. Bien sûr, Anne Emery-Torracinta, en tant que conseillère d’Etat, a la compétence de modifier le nom de son département. Toutefois sa décision est une véritable sottise qui n’augure rien de bon pour cette nouvelle législature.

    Reste que cet irrespect pour les usages et traditions de notre canton reste à questionner. D’où vient cette propension à modifier incessamment les appellations des Services, prestations et départements de l’état ?

    Ces changements (qui envahissent particulièrement le DIP !) s’imposent parfois d’une manière cohérente, suite à une réorganisation des départements. Par exemple, le département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé (DEAS) de la précédente législature, devient le département de l’emploi et de la santé (DES) attribué à Mauro Poggia, car les affaires sociales rejoignent le nouveau département de la cohésion sociale (DCS), attribué à M. Apothéloz.

    D’autres fois, en revanche, ces changements d’appellations visent d’autres buts dont il s’agit de ne pas être dupe, parmi lesquels :

    1. Donner l’illusion qu’on change des pratiques sans avoir besoin de les penser et encore moins de songer à les modifier ! En bref, cela permet, à des démagogues, de prétendre réformer un Service pour le moderniser, pour le faire évoluer tout en restant dans l’immobilisme. Ces changements servent alors d’écrans pour masquer une forme de déficience (ou paresse) dans la gestion des affaires publiques ;
    2. Détourner le public de tout débat ! Avec ces modifications terminologiques et nouveaux sigles, le public a l’impression d’être largué, de ne plus comprendre de quoi on parle. Par exemple, au primaire, le maître d’appui (qui apporte un appui auprès des élèves en difficultés d’apprentissage) est passé d’enseignant déchargé de tenue de classe à généraliste non titulaire de classe (GNT) où seuls les initiés peuvent s’entendre ;
    3. Faire place nette et évacuer toute référence à un passé pour s’autoproclamer novateur. C’est une stratégie très efficace dans des enjeux de pouvoir où la revendication d’être dans du neuf assigne, à ceux qui contestent cette nouveauté, une place de passéistes qui ne savent pas s’adapter au changement du monde ;
    4. Utiliser la langue comme arme pour imposer sa vision du monde en l’occurrence, là, de l’école. Comme l’a magistralement bien analysé Jean-Romain (in "Invité" de la TdG du 29 mai), la suppression du terme « instruction » et de l’adjectif « publique » n’est pas anodine. En remplaçant le mot « instruction » par « formation », on modifie la perception de l’école. On ne met plus l’accent sur sa mission d’instruire (en transmettant à tous les élèves des savoirs inscrits dans un programme scolaire), mais on envisage l’école comme un lieu parmi d’autres où l’on vient se former !

    Plier le langage pour imposer ses idéologies. C’est ainsi que l’école a congédié le maître pour accueillir l’enseignant qui sera peut-être dans un proche avenir remplacé par le formateur ou l’animateur socio-scolaire…

    Résistons à ces modifications qui, non seulement gaspillent l’argent public (changement des programmes informatiques, des entêtes des papiers à lettre, etc.), mais encore ambitionnent de “dé-former” les esprits, et continuons à parler du DIP.

    Le Genevois sait bien râler et entrer en résistance. Plus de 20 ans qu’on a voulu supprimer les “Promotions” pour les remplacer par la “Fête des écoles”! Mais, heureusement, le peuple n’aime pas qu’on le prive de ses traditions...

     

     

  • Se “victimiser” pour devenir un super-héros !

    C’est dans l’air du temps : violer les lois d’un pays, défier la justice d’un Etat de droit (au nom d’une noble cause !) et clamer n’être qu’un « bouc émissaire ».

    C’est l’attitude adoptée par deux jeunes suisses, Bastien et Théo, arrêtés à Briançon et poursuivis par l’Etat français pour « aide à l’entrée d’étrangers en situation illégale sur territoire nationale et en bande organisée ». Mais, les prévenus, disent être « criminalisés pour avoir montré de la compassion » (propos de Théo, repris comme titre dans l’article de Marie Prieur, in TdG du vendredi 25 mai 2018).

    Si ces jeunes, animés d’un idéal humanitaire, ont seulement participé à une manifestation, les avoir conduits menottés à la prison des Baumettes à Marseille est un traitement inique, puisque la liberté de manifester (si abondamment utilisée dans l’Hexagone !) est inscrite dans la Convention européenne des droits de l’homme dont la France est non seulement signataire, mais plus encore la patrie des droits de l’homme (euh pardon, faut dire, pour les censeurs de gauche, les « droits humains » - à distinguer des droits bestiaux - ce qui va fâcher les antispécistes !!!).

    Bon, ces trois jeunes (Bastien, Théo et Eleonora, une ressortissante italienne) ont été remis en liberté une dizaine de jours plus tard « sous contrôle judiciaire strict ». Cela signifie qu’ils ne sont pas autorisés à quitter le territoire français ni à s’exprimer publiquement jusqu’à leur procès fixé au 31 mai, et qu’ils doivent se présenter quotidiennement à la police ou gendarmerie (in Le Temps). Logés chez des proches, ces jeunes sont donc actuellement dans une situation plus confortable.

    Toutefois, dans une conférence de presse du 24 mai, à Annemasse, Théo (en bravant avec son camarade l’interdiction qui leur est faite de s‘exprimer publiquement) se plaint : « on prend nos vies en otage pendant plus d’un mois. Nous ne pouvons même pas rentrer chez nous ».

    Ces déclarations, faites à la presse, montrent que ces jeunes ont quelques difficultés avec le principe de réalité. Non seulement, ils transgressent l’interdiction imposée par la justice française de s’exprimer publiquement, en arguant que : « l’Etat n’a pas le droit de nous museler » (Théo, in TdG du 25.5.18). Mais encore, ils sapent la défense de leur avocat qui a déclaré que « Théo et Bastien étaient juste de passage pour voir des amis à Clavière […] ils ne sont pas connus des réseaux de soutien aux migrants » (in Reporterre). En effet, Theo dans la conférence de presse a défendu cette action militante (qui aurait permis l’entrée en France de 30 à 40 migrants). Arborant sur son tee-shirt le slogan « Le capitalisme, c’est has been » (bel anglicisme du consumérisme !), Théo spécule sur les combats qu’il compte mener : liquider le capitalisme responsable de la migration, de l’esclavage colonial et impérial ainsi que des frontières et des États-nations (sic !). « Tout cela est pour nous à déconstruire » conclue-t-il (in TdG). Un “nous” abstrait ; inclue-t-il son camarade Bastien ou une communauté plus large ?

    Théo a de grandes ambitions, mais il oublie que la liberté a toujours un prix, et qu’être activiste politique est un engagement qui peut orienter (voire faire basculer, comme en témoignent magistralement les romans de Kundera, dont « Risibles amours ») toute une vie.

    En Suisse, les objecteurs de conscience, qui refusaient (jusque la création du service civil) de faire leur école de recrue, savaient qu’ils seraient emprisonnés. Ils acceptaient ce prix à payer même s’il avait des incidences sur leurs études ou entrée dans le monde du travail.

    Régis Debray, engagé aux côté du Che Guevara, n’était pas un combattant du dimanche. Il en paiera le prix fort… Si je cite Régis Debray, c’est que ce brillant philosophe a écrit, presque 50 ans après sa période de guérilléro, un remarquable petit essai : « Éloge des frontières » (2010, Gallimard). Pour Debray, les frontières protègent de la vie extérieure, permettent de lutter contre l’uniformisation et produisent du sens. Elles se distinguent absolument des murs, car « le mur interdit le passage, la frontière le régule ».

    Si seulement Théo et Bastien pouvaient lire l’« Éloge des frontières », ils comprendraient qu’il est acceptable (et même vital) qu’un pays ait des frontières. Un Etat de droit doit défendre ses frontières. Sans régulation, on ouvre la porte à tous les abus, y compris à la traite des êtres humains, piégés par des passeurs cupides et criminels.

    Que Bastien et Théo puissent bénéficier de la clémence d’un juge, c’est ce que je leur souhaite ! Mais, que cet épisode judiciaire leur donne plus de clairvoyance dans leur engagement envers les démunis et les migrants !